Au pied du mur !

Comment ne pas être frappé par les carences répétitives de l’Union européenne (UE) quand sa raison d’être est
précisément de répondre aux défis singuliers qui caractérisent notre temps ?

  • La crise des subprimes partie des États-Unis en 2008 a balayé les fragiles acquis de l’Union économique et monétaire conçue par Jacques Delors, provoquant une montée sans précédent du chômage depuis les années 1930 en guise « d’Europe sociale », une récession dont nous peinons à nous extraire difficilement, au prix d’effets déflationnistes et d’une accumulation de déficits budgétaires de dettes publiques, d’une croissance poussive, d’une thérapie austéritaire contestée dans plusieurs pays de la zone euro parmi les plus précarisés. Les désordres monétaires consécutifs à cette crise ont été tant bien que mal maîtrisés avec l’institution en catastrophe d’un mécanisme de stabilité pourvu d’une dotation de 500 milliards d’euros, d’un pacte budgétaire (traité intergouvernemental que Londres s’est abstenu de signer) puis d’un « semestre européen » instaurant une surveillance des politiques économiques ; enfin d’une Union bancaire complétée par un programme de relance - « Quantative easing » - doté de 1.100 milliards d’euros, destinés à endiguer les effets destructeurs d’une longue période déstabilisatrice et du même coup à relancer la croissance. Mario Draghi a assumé la responsabilité de la plupart de ces mesures, tandis que Jean-Claude Juncker présentait un plan d’investissements de 315 milliards d’euros. Elles n’ont fait que combler les lacunes d’une Union économique et monétaire (UEM) prise de court par les évènements et dépourvue des instruments et des moyens d’y faire face.
  • La crise grecque, longtemps latente, a éclaté au début de l’année en cours, surprenant « Bruxelles » et les autres capitales européennes par son amplitude, menaçant d’ébranler les fondements de l’ensemble de l’UEM, au risque de provoquer des effets de contagion dans les autres pays périphériques de la zone euro et même sa désagrégation à terme.
  • Dans cette affaire, les Européens ont fait preuve de beaucoup d’angélisme : adhésion prématurée d’une Grèce manifestement non préparée aux contraintes d’une telle épreuve, d’autant que « Bruxelles » ne disposait, à l’époque, ni d’une capacité « vérificatrice » suffisante des statistiques ni des données réelles des déficits publics grecs apparus fortement maquillées à l’expérience. Finalement, le « compromis Tsipras », de l’été dernier a permis de sauver provisoirement la mise au virevoltant gouvernement d’Athènes et à la zone euro elle-même. Il faudra maintenant, de part et d’autre, en payer le prix. Jean-Claude Juncker qui s’était entremis à bon escient dans la négociation a provoqué le courroux de l’incommode Wolfgang Schäuble, le Ministre des finances allemandes. Un comble !
  • La crise migratoire, elle, a pris complètement au dépourvu l’UE, les « outils » dont elle disposait se révélant assez dérisoires eu égard à l’ampleur des chambardements dont elle était porteuse. Le système mis en place à Schengen par Mitterrand et Kohl, en leur temps, n’est certes pas à jeter aux orties, mais doit être rénové et renforcé aujourd’hui dans une Europe dont les frontières extérieures courent désormais du Cap Nord aux îles de la Mer Egée, si on veut réellement préserver la libre-circulation au sein de l’Union qui, par ailleurs, doit mettre en œuvre une véritable politique commune du droit d’asile là où il n’existe encore que des mesures éparses.
  • Dans un domaine totalement différent, « le scandale Volkswagen » permet de dresser un constat de carence similaire. Lors d’un débat organisé le 23 septembre, les députés européens ont déploré la faiblesse du contrôle des systèmes d’homologation des voitures dans l’UE. Les Américains, en l’occurrence, ont levé un lièvre de taille (au profit de leur propre industrie automobile) et qui tend à décrédibiliser l’Union incapable apparemment jusqu’ici de tester les effets polluants des véhicules diesel en état réel de conduite, alors qu’elle est volontiers donneuse de leçons en matière d’environnement.
  • De plus, l’UE apparait, en tant que telle, quasi totalement absente des vastes espaces ouverts à la politique étrangère (Ukraine, Moyen-Orient) malgré l’existence, d’une Haute représentante de la PESC, Mme Mogherini, bardée de fonctionnaires pleins d’expertise et de diplomates « émérites » qui, pour sauver les apparences, multiplient déclarations et contacts. En fait, elle est l’incarnation, pour le citoyen lambda, d’une Europe sans stratégie, d’une Europe impuissante, d’une Europe/Potemkine.
  • La seule alternative qui s’impose pour de nouveaux parcours, au regard du déroulé des plus récents évènements, est donc bel et bien celle de la promotion d’une Europe fédérale, dotée d’un gouvernement directement responsable devant la communauté de ses États membres et les représentants élus du Peuple européen, à laquelle Altiero Spinelli a ouvert la voie à Ventotene.