Construisons l’Europe de la relance !

Dans les mois ou les années à venir, une crise politique et
sociale majeure risque d’emporter les pays de la zone
euro s’ils ne franchissent pas une étape supplémentaire
d’intégration.

L’éclatement de la crise grecque a mis au jour des défis
structurels, créant une crise de confiance dans la
soutenabilité des dettes publiques : les créanciers ont
perçu l’insoutenabilité des déséquilibres de la zone euro.
Les taux d’intérêt ont alors atteint des sommets, jusqu’à
créer un effet boule de neige : lorsque les taux d’intérêt
dépassent la croissance du PIB, la dette s’autoentretient,
sauf à dégager d’importants surplus budgétaires. Pour
réaliser ces surplus, chaque pays a mis sur pied des plans
de sauvetage drastiques, et l’intervention de la Banque
centrale européenne (BCE) a fourni quelques mois de
répit.

Ce climat d’incertitude freine la demande, les ménages
préférant épargner en prévision de futures taxes. Dans le
même temps, les banques limitent les crédits au secteur
privé pour assainir leur bilan. Dès lors, la relance ne peut
venir ni de la demande, ni de l’investissement privé, ni de
la commande publique. Les pays les plus endettés sont
donc voués à une croissance très faible, ce qui aggrave
encore la charge de leurs dettes. L’Europe ne peut sortir
de cette crise sans changer de logique. Si le scénario
actuel continue, l’euro ne pourra pas disposer des moyens
de résister aux tendances centrifuges et à la montée des
discours populistes. Sa disparition ne sera plus qu’une
question de temps.

Un autre chemin de sortie est possible. Il consiste à
compléter et adapter le traité de Lisbonne, notamment
pour dépasser la simple coordination entre Etats
membres, devenue insuffisante. Il consiste à dénoncer, à
réduire et à annuler les coûts de la non-Europe. Il faut
pour cela commencer par circonscrire les dettes du passé
des pays de la zone euro en en mutualisant une partie.
Ceci diminuera les taux d’intérêt et redonnera des marges
de manoeuvre aux pays endettés. Dans cet esprit, il sera
nécessaire de renforcer la coopération entre la
Commission européenne et les Trésors nationaux dans le
cadre d’un Institut fiscal européen dans la perspective de
la création d’un Trésor européen, à l’instar de l’Institut
monétaire européen qui avait précédé la création de la
BCE.

Il faut ensuite, et surtout, relancer la productivité grâce à
des réformes structurelles, en particulier dans le secteur
des services, et à des investissements dans des projets
générateurs de croissance. Ils existent : dans la
transmission de l’énergie et l’efficacité énergétique, dans
les transports propres et les politiques urbaines, dans
l’aéronautique, les industries numériques et la recherche
cognitive... les industriels ont tous sur la table des projets
à l’échelle européenne dont les financements nécessitent
un concours de tous les pays. Pour cela, il est nécessaire
de créer des "projects bonds", c’est-à-dire de la bonne
dette, finançant des projets générateurs de revenus futurs.
La Banque européenne d’investissement pourra sans
difficulté porter ces projets sur la base de propositions de
la Commission européenne.

Les investisseurs n’achèteront ces projects bonds que si
les moyens de les rembourser ne sont pas issus d’une
contribution volontaire des pays de la zone euro, car cela
alourdirait leur dette. Seul un impôt européen dans le
cadre d’un budget fédéral pourra donner la crédibilité
suffisante à ce nouvel outil de croissance. Pour le
financer, on peut penser à la rétrocession d’un point de
TVA, à l’instauration d’une taxe carbone et d’une taxe sur
les transactions financières. Il sera alors possible de
générer avec les projects bonds plus de 1 000 milliards
d’euros pour investir dans des projets d’avenir, relancer
une véritable croissance, proposer une vision motivante
de l’Europe et créer les mécanismes de résolution des
déséquilibres originels.

Aucun impôt ne peut cependant être instauré sans
légitimité démocratique et sans surmonter la crise de
confiance entre les citoyens et l’UE, en offrant aux
Européens une nouvelle perspective pour l’avenir. Il faut
donc ajouter une dimension parlementaire à ce processus
 : l’euro ne peut survivre sans avancée politique majeure.
Le fédéralisme est la seule voie pour éviter une crise
majeure qui sacrifierait une génération entière. Dès
aujourd’hui, les parlementaires européens des pays de la
zone euro doivent se réunir et préciser le chemin à suivre
d’ici aux prochaines élections européennes.

Sur la base de leurs délibérations, ces parlementaires
européens devront organiser des assises sur l’avenir de
l’Europe à partir de la zone euro, qui accueilleront des
délégations du Parlement européen et des Parlements
nationaux, comme cela avait déjà été proposé par
François Mitterrand devant le Parlement européen en
1989. Ce fédéralisme de nécessité donnera naissance à
une véritable Europe politique et sociale, dont les
institutions assureront un juste équilibre entre les
politiques budgétaires et monétaires, la stimulation de
l’activité économique, les réformes structurelles de
compétitivité, et une cohésion sociale renforcée.
La survie de la zone euro passe par un gouvernement
économique et un budget européen de croissance. Le
fédéralisme est donc seul capable d’éviter les
conséquences désastreuses de son effondrement sur notre
niveau de vie. Il ouvrira la voie aux Européens vers une
Europe juste, solidaire et démocratique, capable de tenir
toute sa place dans le monde.

P.-S.

Bernard Barthalay, président de Puissance Europe (France) ;
Aurélien Caron, président des Jeunes européens-France (France)
 ; Jean-Marie Cavada, président du Mouvement européen-France
(France) ; Fabien Chevalier, président de Sauvons l’Europe
(France) ; Catherine Colonna, ancienne ministre des affaires
européennes (France) ; Olivier Ferrand, président de Terra Nova
(France) ; Pauline Gessant, présidente des Jeunes européens
fédéralistes (France) ; Simone Harari, présidente d’Effervescence
(France) ; Guillaume Klossa, président d’EuropaNova (France) ;
Philippe Laurette, président d’honneur de l’association Jean-
Monnet (France) ; Philippe Le Guen, directeur de l’association
Jean-Monnet (France) ; Henri Malosse, président du groupe
employeur au CESE (France) ; Yves Mény, ex-président de l’Institut universitaire européen (France) ; Dominique Reynié,
président de Fondapol (France) ; Benoît Thieulin, président de La
Netscouade (France) ; Jacques Ziller, professeur de droit
européen à l’université de Pavie (France) ; Giuliano Amato, exprésident
du conseil italien (Italie) ; Emma Bonino, viceprésidente
du Sénat italien, ancien ministre des affaires
européennes (Italie) ; Rocco Cangelosi, ambassadeur, exreprésentant
permanent à Bruxelles, ex-conseiller diplomatique
du président de la République d’Italie (Italie) ; Pier Virgilio Dastoli,
président du Mouvement européen-Italie (Italie) ; Monica
Frassoni, co-présidente du parti des verts européens (Italie) ;
Sandro Gozi, responsables des affaires européennes du Parti
démocrate italien, vice-président du Mouvement européen-Italie
(Italie) ; Alberto Majocchi, professeur, université de Pavia, exprésident
de l’Institut d’études et d’analyses économiques (Italie)
 ; Romano Prodi, ex-président du conseil italien (Italie) ; Alberto
Quadrio Curzio, professeur, université Cattolica, vice-président
de l’Accademia dei Lince (Italie) ; Barbara Spinelli, journaliste et
écrivain (Italie) ; Anne-Marie Lizin, président honoraire du Sénat
de Belgique (Belgique) ; Stefan Collignon, professeur à l’Ecole
des hautes études de Sant’Anna (Allemagne) ; Evelyne Gebhardt,
députée européen (Allemagne) ; Ulrike Guérot, conseil européen
des relations étrangères (Allemagne) ; Jo Leinen, député
européen, président du Mouvement européen international
(Allemagne) ; Enrique Barón Crespo, ancien président du
parlement européen, ex-président du Mouvement européen
international, président de la Fondation européenne pour la
société de l’information et l’administration publique (Espagne) ;
Pasqual Maragall, ex-président de la Généralité de Catalogne, exmaire
de Barcelone (Espagne) ; Francisca Sauquillo, ex-députée
européenne (Espagne) ; Anna Terrón, ex-députée européenne, exsecrétaire
d’Etat à l’immigration et à l’émigration (Espagne) ;
Carlos María Bru Purón, président du Mouvement européen-
Espagne, ex-secrétaire d’Etat aux affaires européennes (Espagne)
 ; Haris Pamboukis, ex-ministre du gouvernement grec
(Grèce) …/…