Éditorial

Au milieu des années 1970, l’un des responsables de la Jeunesse Européenne Fédéraliste (JEF France), par ailleurs déjà l’un des
animateurs de Fédéchoses, avait eu la surprise à Paris de recevoir un « pneu » (message urgent expédié par la poste grâce à un réseau
de tuyauteries souterraines). Un court texte signé de Jean-Pierre Gouzy, qui nous fait toujours l’honneur de son amitié (et de son Billet
trimestriel !) : Henri Frenay, militaire de carrière, fondateur de Combat et l’un des grands « fédéralistes de la Résistance » (avec en
particulier l’Italien Altiero Spinelli et l’Allemand Eugen Kogon) dont les actes et les écrits nous avaient amenés au combat fédéraliste,
« souhaitait » rencontrer d’urgence les animateurs de la JEF.

Le Monde avait en effet publié une brève faisant état de la création d’un Comité de soutien au Mouvement des soldats et pour « le droit
aux syndicats de soldats »… par La JEF France et la Ligue Communiste, section française de la IV° Internationale !... Les trostkistes
cherchaient à s’implanter dans le mouvement des appelés et avaient un certain appui du côté de quelques groupes de la JEF Allemagne.
Les jeunes du MFE, en Italie et en France, menaient, eux, une action contre le service militaire obligatoire car ils considéraient (cf. l’édito
de Fédéchoses, n° 11, ci-après) que « la conscription obligatoire a toujours été l’une des armes les plus puissantes entre les mains de
l’Etat national pour manipuler les consciences individuelles et transformer l’homme en un citoyen obéissant jusqu’au sacrifice suprême
consistant à ‘donner sa vie pour la Patrie’ »
.

L’explication qui eut lieu peu après au domicile de Henri Frenay n’a laissé aucun souvenir désagréable à celui d’entre nous qui s’y rendit ;
pas en tout cas celui d’une « engueulade » comme nous aurions pu le supposer. Les points de vue échangés avaient dû montrer que ce
qui nous rapprochait, politiquement, de Henri Frenay était beaucoup plus fort que ce qui, stratégiquement, pouvait nous opposer à lui.

Mais, pourquoi rappeler une telle anecdote aujourd’hui ? Pour rappeler deux vérités…

  • les fédéralistes, dans leur combat pour l’Europe fédérale et au-delà pour la démocratie internationale, doivent savoir sortir, si besoin est, d’un « béniouiouisme » vis-à-vis des institutions, nationales ou de l’Europe officielle, dans lequel ils ont parfois trop tendance à se limiter, d’une part ;
  • et, d’autre part, les fédéralistes, dans leur combat pour l’Europe fédérale et au-delà pour la démocratie internationale (soyons têtus), doivent être convaincus qu’ils peuvent trouver des alliés ou des compagnons de route à l’extrême gauche du spectre politique, du côté de ceux qui se réclament de l’internationalisme et d’une certaine forme de solidarité planétaire ou « globale »… ; jamais, par contre, du côté de l’extrême droite à laquelle tout les oppose, historiquement et politiquement.

Pour en revenir à ce numéro…

Fédéchoses considère que, si les fédéralistes doivent travailler avec tous les démocrates, sans exclusive, dans le cadre de leur lutte
pour créer des Etats nouveaux sur des territoires nouveaux (Fédération européenne aujourd’hui, Fédération mondiale demain) afin de
réunir de larges majorités constituantes, ils doivent, par contre, dénoncer sans relâche les dérives de la droite civilisée (voire de la
gauche… !) vers l’extrême droite souvent pour des raisons électoralistes. La phrase de M. Fillon sur Mme. Eva Joly, rappelée en « une »,
ou les propositions de son compère Jean-François Copé sur un « serment aux armes de la France » à exiger des jeunes Français…,
destinées à pêcher des voix du Front national sont, après tant d’autres déclarations et décisions douteuses (Roms…), inacceptables… !
C’est pourquoi nous publions ici plusieurs textes plus centrés sur les notions de nation et d’identité.

Nous publions aussi un FOCUS sur la Cour pénale internationale… qui nous donne l’occasion de rafraîchir la mémoire de M. Fillon sur
« l’histoire française » et de préciser qu’elle n’a jamais été exempte d’horreurs, dans et hors de l’hexagone… Gageons par exemple que
si la Cour pénale internationale avait existé à l’époque de la Croisade des Albigeois, M. Simon de Monfort ou le « Bon Saint-Louis »
auraient très certainement eu à y comparaître… pour ne pas parler, depuis eux, de Napoléon ou autres Bigeard ! C’est aussi pourquoi
nous publions, sous forme de pied de nez, ci-dessous un court poême en occitan… qui nous semble parfaitement de circonstance.

Lo Carnaval
Quand se veirà lo bombardier
escampar plueja de confettis
quand se veirà lo canon
faire riseta a l’objectiu
quand se veirà lo tanc
passejar filhas a la festa
la bala far zigas-zagas
como lo serpentin…
Farai del Carnaval
la Festa nacionala…
Le Carnaval
Quand on verra le bombardier
jeter des pluies de confettis
quand on verra le canon
faire risette à l’objectif
quand on verra le tank
promener les filles à la fête
la balle faire des zigszags
comme le serpentin…
Je ferai du Carnaval
La fête nationale…

Poême en occitan de Michel Decor. Mis en musique et chanté par Claude Marti.
Extrait de Claude Martí, par Roland Pécout, coll. Poêmes et et chansons, éd. Seghers, Paris, 1974, pp. 157-158, pp. 186
© Joan Larzac

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