Gérard FUCHS, Dépasser le capitalisme

, par Maurice Braud

Animateur de l’Union européenne des fédéralistes (UEF) dans
les années 50-60, ancien député (Assemblée nationale) et
ancien parlementaire européen, ancien Secrétaire national aux
Relations internationales du PS, Gérard Fuchs se propose dans
son dernier ouvrage d’ouvrir la perspective d’un dépassement du
capitalisme qui prendrait appui, non pas sur un vieux
rêve de « Grand soir », mais sur une analyse documentée de
l’économie mondialisée d’aujourd’hui.

Hier encore Directeur de recherche au CNRS, Gérard Fuchs
avait justement axé ses derniers travaux théoriques sur les
différentes modalités d’ouverture des marchés et l’acceptabilité
par les agents économiques de celle-ci.

Aussi constate-t-il que le capitalisme est parvenu à créer les
outils technologiques de la mondialisation sans cependant être
capable -ou vouloir- les mettre au service de tous.
Là réside, pour Gérard Fuchs, l’essentiel de la tâche qui nous
incombe. Il propose quatre orientations de base : développer des
services publics pour satisfaire les besoins humains
fondamentaux, construire une démocratie économique et sociale
qui équilibre et fasse contrepoids à la seule propriété, reformuler
le calcul économique pour qu’il prenne en compte les coûts
sociaux et environnementaux, et, organiser un pilotage public
des priorités de la recherche et du développement.

Actualisant à l’heure de la mondialisation la pensée d’Altiero
Spinelli (qu’il ne cite cependant pas), il pose le fédéralisme
comme principe de la démocratie internationale. Paraphrasant
quelques auteurs appartenant aujourd’hui à l’histoire, dépasser
le capitalisme (ce qui revient à construire le socialisme) n’est pas
 n’est plus ?- possible dans
un seul pays, France ou autre. Il s’agit donc pour Gérard Fuchs,
avec le fédéralisme comme principe d’organisation, de réaliser la
démocratie internationale. Retenant l’apport théorique de Marx,
Gérard Fuchs sait bien qu’une utopie ne peut se concrétiser en
projet viable que si –et seulement si- elle s’appuie sur des forces
sociales susceptibles de se mobiliser pour elle.

La deuxième partie de l’ouvrage est donc consacrée au repérage
de toutes ces forces éparses à travers le monde, du mouvement
ouvrier traditionnel aux forces multiples de la nébuleuse
altermondialiste dans les pays développés, des paysans et
acteurs du monde rural dans les PMA aux nouveaux urbains de
toutes les grandes métropoles des pays du Sud, et de les faire
converger. Il soutient que l’axe stratégique fondamental, tant au
niveau national qu’a l’échelon international, c’est de faire
coïncider en une même conscience individuelle (une personne)
la qualité de producteur et de consommateur, et de faire
travailler ensemble syndicats de travailleurs et associations de
consommateurs.

Ceci le conduit à préciser la réforme des organisations
européennes et internationales qu’il envisage pour réaliser cette
démocratisation nécessaire, afin de conjurer définitivement le
risque de guerre généré par le pillage capitaliste (comme la nuée
porte l’orage, comme disait Jaurès !), et construire durablement
la paix, suivant l’idéal fédéraliste de paix perpétuelle étudié il y a
plus de deux siècles par Emmanuel Kant.

Les membres et amis de l’Action fédéraliste Socialisme & Liberté
(AFSL) ne peuvent que se reconnaître dans l’exposé de Gérard
Fuchs. Notre combat fédéraliste a toujours pris appui sur la ligne
de clivage tracée par Spinelli dans le Manifeste de Ventotene
entre progressistes et réactionnaires, et nous avançons à la fois
au sein de l’Etat national français pour sa fédéralisation, au
niveau continental européen pour transformer l’actuelle Union
européenne en véritable fédération politique et, au niveau
mondial, pour une refonte et la démocratisation du système des
Nations unies. Ces trois flèches de notre action rejoignent les
préoccupations de Gérard Fuchs.

Nous avons au cours de ces dernières années participé à de
nombreuses activités alter mondialistes, notamment les FSE.
Nous avons aussi contribué aux premiers pas du Forum
progressiste mondial (FPM/GPF) initié par l’Internationale
socialiste (IS), le Parti socialiste européen (PSE) et la
Confédération syndicale internationale (CSI). Nous pensons,
comme Gérard Fuchs, qu’avec ces divers forums et rencontres
germe et chemine une force potentiellement féconde pour
demain.

L’analyse rigoureuse de Fuchs est un outil pour la réflexion
collective au service de la rénovation et/ou refondation des
socialistes et sociaux démocrates, en France, en Europe et dans
le monde.

Elle peut aussi fournir aux militants européens authentiques, aux
mondialistes conséquents et à toutes celles et ceux qui, épris de
justice, n’acceptent pas que les règles du marché soient les
seules qui s’imposent, une argumentation et des propositions
sans dogmatisme.

Maurice BRAUD-------

P.-S.

Gérard FUCHS, Dépasser le capitalisme, Editions
L’Harmattan, Paris 2007, 15.50 €