Article publié initialement par Le Taurillon

Herman Van Rompuy, Président du Conseil européen... Pourquoi ?

, par Fabien Cazenave

Le Conseil européen a désigné, jeudi 19 novembre 2009 à Bruxelles,
son premier président stable : le Premier ministre belge Herman Van
Rompuy. La diplomatie européenne sera dirigée par la Commissaire
européenne au commerce, l’anglaise Catherine Ashton. Comment en
est-on arrivé là ?

Cette rencontre a été particulièrement bien préparée par les services
diplomatiques des 27 pays de l’Union européenne. En effet, l’annonce
de nomination a été faite très « tôt » (avant les grands journaux
européens du soir) à la surprise générale. Autant la nomination de M.
Van Rompuy était fortement pressentie dans les milieux européens,
autant celle de Mme Ashton crée une mini-surprise même si le
Royaume-Uni avait réussi à être incontournable dans les négociations.

Pourquoi choisir Herman Van Rompuy ?

Pour Fenêtre sur l’Europe, M. Van Rompuy « s’est fait une réputation
dans son pays par sa capacité à nouer des compromis entre les
différentes communautés linguistiques, francophone et flamande.
C’est un chrétien-démocrate flamand de 62 ans qui dirige le
gouvernement belge depuis un peu plus d’un an ». Jean Quatremer
avait sur son blog soulevé la polémique au sujet de sa préférence
marquée pour un renforcement de l’autonomie de la Flandre.
Sa concurrente lettone Vaira V ??e-Freiberga sur Europe 1 vendredimatin
20 novembre 2009 « espérait » qu’il serait acteur « d’une
présidence plus efficace à défaut d’être plus visible ». Ambiance. Dans
sa déclaration après sa nomination officielle, Herman Van Rompuy a
indiqué vouloir rester « discret », et se concentrer sur un rôle de
facilitateur de compromis entre pays.

Pourquoi choisir Catherine Ashton ?

Catherine Ashton est la surprise sortie du chapeau européen. Elle est
une novice en diplomatie et occupe aujourd’hui le poste de
commissaire européenne britannique, chargée des dossiers
commerciaux. Personne n’avait pensé à elle pour le poste de Haut(e)
Représentant(e) pour les Affaires Etrangères. On le voit notamment à
la taille de sa biographie dans les journaux ce matin… Pourtant elle
symbolise une double réponse aux négociations diplomatiques qui ont
eu lieu.

  • Elle est une femme, premier argument. Sa nomination
    répond ainsi à la thématique de campagne de Vaira V ??e-
    Freiberga qui avait fait de son genre une force. On
    commençait même à percevoir dans les médias une
    Vairamania sur la thématique « une femme, voilà un beau
    symbole ». Tant pis pour les compétences, mais il est vrai
    que le symbole aurait été fort.
  • Elle est anglaise, deuxième argument. La diplomatie
    britannique a demandé une compensation pour retirer la
    candidature de Tony Blair. Si l’ancien Premier ministre
    anglais ne pouvait pas être président du Conseil européen,
    alors le « second poste » ne pouvait que leur revenir…
    Considération apparemment logique dans le milieu
    diplomatique.

D’autant plus que le Parti socialiste européen (notamment par la voix
de l’Espagnol José Luis Rodríguez Zapatero) réclamait un équilibre
politique au sein des institutions. Ainsi si la droite avait la Présidence
du Conseil, il fallait que la direction des Affaires étrangères reviennent
« de droit » à la gauche. Argument bien pratique pour les travaillistes
anglais qui ont besoin de ne pas sortir bredouille de ce conseil
extraordinaire, surtout avec la perspective des prochaines élections
législatives en 2010.

Exit donc la candidature pourtant évoquée de l’actuel Ministre des
affaires étrangères anglais David Miliband qui se voyait bien
déménager de Londres à Bruxelles. La seule femme britannique
réellement connue dans le milieu européen était Catherine Ashton. La
rumeur quant à son rôle dans l’adoption par la Chambre des Lords
(qu’elle présidait) à adopter le Traité de Lisbonne lui a servi de
diplôme européen.

Les réactions à ces nominations

Daniel Cohn-Bendit a permis de sonner la charge. Le Nouvel Obs
explique que « le chef de file des Verts au Parlement européen a
dénoncé la nomination d’un Herman Van Rompuy « falot » à la
présidence de l’UE et d’une Catherine Ashton « insignifiante » aux
Affaires étrangères. »

Dans tous les médias, on sent poindre une déception certaine.
Pourtant, le Conseil européen a exactement réalisé ce qu’il était censé
faire… Il a mené des négociations diplomatiques, donc non
transparentes. Il a nommé des personnes qui ne lui feront pas de
l’ombre. On dit pourtant que M. Van Rompuy est fédéraliste.
Sa première déclaration montre qu’il a bien compris que son poste
sera de toute façon verrouillé par le Conseil européen, instance
intergouvernementale par excellence. Les chefs d’État et de
gouvernements ne laisseront pas un leader prendre toute initiative qui
ne soit pas totalement avalisée.

La Présidence du Conseil européen n’est pas notre combat
Tous les médias utilisent pour traiter cette information de « président
de l’Union européenne ». Bien sûr, cela est erroné et dénote du flou
dans lequel se trouve l’Union européenne aujourd’hui malgré
l’adoption du Traité de Lisbonne.

L’intergouvernementalisme est le cancer de l’Europe avec cette
opacité et ces négociations où l’intérêt national l’emporte sur l’intérêt
commun.Les fédéralistes ne doivent pas se tromper de combat : il ne
se situe pas au niveau de la présidence stable du Conseil européen.
Obama continuera d’appeler directement Londres, Paris ou Berlin,
sûrement sous prétexte qu’il s’agit d’une « affaire qui concerne
particulièrement ce pays » comme le souligne Vaira V ??e-Freiberga.
Notre victoire cette année, c’est que l’élection du Président de la
Commission européenne par les eurodéputés a eu plus d’importance
que sa nomination par le Conseil européen, même avec José Manuel
Barroso.

Le prochain combat est double. Premièrement que la Commission
européenne ne soit plus composée de commissaires « nationaux »
mais de personnes nommées pour leur compétence. Deuxièmement
que les partis politiques européens deviennent réellement…
européens. Tant qu’il n’y a pas d’espace politique européen, il sera dur
d’inverser la tendance à l’abstention pour les prochaines élections
européennes.