L’Europe et la monnaie : intervention d’Albert M. Gordiani

, par Albert M. Gordiani

Vous vous demandez pourquoi nous avons organisé cette journée d’études sur les problèmes monétaires et dans une perspective européenne.

  • Pourquoi sur les problèmes monétaires ? Car les problèmes monétaires et économiques sont cruciaux et représentent la clef de toute action politique.
  • Pourquoi dans une perspective européenne ? Car il faut reconnaître que la politique nationale, celle de l’État-nation est totalement dépassée, les gouvernements nationaux quels qu’ils soient ne pouvant plus prendre aucune décision.

Quelques exemples le démontreront, des exemples frappants. En tout premier lieu, la dernière déclaration de Kissinger, tout à fait scandaleuse, dans laquelle il déclare que les Européens doivent leur prospérité et leur sécurité aux États-Unis. Cette déclaration fait ressortir un état de dépendance aggravé par la servilité des gouvernants de la Communauté, les Britanniques et les Allemands en particulier.

D’autre part, je ne sais si vous avez été frappés comma moi par la dernière déclaration du Président de la Commission européenne, M. Ortoli, parue dans la presse régionale d’avant-hier : « la domination des États-Unis sur l’Europe s’est accrue. Les grands bouleversements que connaît le monda placent les États-Unis et les grands producteurs d’énergie et de matières premières dans une position plus dominante que par le passé, tandis que l’indépendance de l’Europe a régressé ». M. Ortoli a d’ailleurs ajouté que cette impuissance de l’Europa était imputable aux Européens eux-mémes. Lorsque l’on sait d’où vient M. Ortoli, une telle déclaration est plus que satisfaisante. Le dernier exemple est celui des entreprises multinationales que les États-nations sont totalement incapables de controler, car elles ont souvent un budget supérieur au leur, alors qu ’il est inadmissible qu’un pouvoir économique soit plus fort que le pouvoir politique.

Il faut prendre conscience que la France et ses partenaires européens ne représentent plus rien à l’heure actuelle.

Une politique purement française, qu’elle soit faite par Giscard ou par Mitterrand, ne conduit à rien, et l’on ne peut dire que la France ait un modèle quelconque de société à proposer car de toute façon elle n’aurait pas l’influence nécessaire pour cela.

Nous devons enfin prendre conscience qu’une action politique menée dans un cadre national est une action politique du passé et que la seule qui soit aujourd’hui révolutionnaire est celle pour le pouvoir européen et l’ unité fédérale de l’Europe. Elle est, en effet, la seule visant à détruire, et je dis bien détruire, une superstructure dépassée, conservatrice et inutile, l’État-nation et avec lui sa souveraineté, pour la remplacer par quelque chose de fondamentalement nouveau et différent : l’État fédéral européen.

P.-S.

Albert M. Gordiani était Délégué Général de l’U.E.F. - Rhone-Alpes