L’Union européenne et le programme nucléaire iranien

Le XXIe Congrès de l’UEF, se tenant à Vienne du 30 juin au 2 juillet 2006,

reconnaît que la question du programme nucléaire iranien évolue vers une crise extrêmement grave. Afin de trouver une réponse convenable à ce défi, nous devons partir des trois points essentiels qui suivent.

1) Le danger que le gouvernement iranien puisse développer des armes nucléaires représente un grand défi en ce qui concerne la sécurité.
En termes généraux, de nouveaux pas vers la prolifération d’armes de destruction massive (ADM) augmenterait la vraisemblance de leur usage. Beaucoup d’éléments mettent toujours plus en crise le système de dissuasion qui, d’une certaine manière, était utile pour limiter la possibilité de leur emploi : ce sont l’accroissement des chances d’une guerre par erreur, l’absence d’une capacité de seconde frappe par les nouvelles puissances nucléaires, les risques accrus de prolifération des armes nucléaires entre les mains de groupes terroristes.
En ce qui concerne la situation iranienne, si ce pays (qui se caractérise par un régime aux traits théocratiques et autoritaires marqués) développe une capacité nucléaire, il est vraisemblable qu’un effet domino inclue Israël et l’ensemble du Moyen-Orient. Cela entraîne des conséquences négatives au niveau mondial aussi.

2) L’idée de bloquer la marche de l’Iran vers la production d’armes nucléaires par des sanctions économiques ou des interventions militaires est clairement absurde.
Les conséquences en seraient effrayantes en ce qui concerne l’économie (pensons à l’énergie), la stabilité régionale, les menaces terroristes et les risques d’un conflit entre civilisations. D’autre part, le soutien au régime iranien actuel en serait renforcé.

3) Le programme nucléaire iranien (qui est soutenu par une grande partie du peuple) ne dépend pas exclusivement des choix du gouvernement actuel mais aussi de soucis objectifs de sécurité.
Parmi ceux-ci, nous pourrions mentionner : le fait que les actuelles puissances nucléaires ne semblent pas disposées à abandonner leurs armes nucléaires, l’expérience historique de deux invasions (en 1941, par la Grande-Bretagne et l’Union Soviétique et, en 1980, par l’Irak) et celle du coup de 1953 (préparé par la Grande-Bretagne et la CIA qui voulaient mettre fin au gouvernement démocratique de Mossadegh et rétablir Mohammad Reza Pahlavi sur son trône), l’absence chronique de stabilité au Moyen-Orient dont le conflit israélo-palestinien est le centre, la puissance militaire (à la fois conventionnelle et nucléaire) d’Israël et la politique américaine qui vise à contrôler les ressources énergétiques, même en renversant par la force les régimes « inamicaux ».

A la lumière de ces considérations, une réponse valable au défi iranien peut être trouvée dans une stratégie visant à changer la situation dans son ensemble et à introduire des alternatives à la recherche de la sécurité par les armes atomiques.

Considérons-en, à la fois, les conséquences régionales et mondiales.

A l’échelle régionale, un rôle crucial pourrait être joué par une Conférence pour la sécurité et la coopération dans le Moyen-Orient, dont l’ordre du jour inclurait deux questions principales :
 la construction d’un cadre de sécurité centré sur un système régional de développement de la confiance,
 l’établissement d’un système de coopération croissante dans les domaines de l’économie et de la technologie, à l’intérieur duquel mettre fin aux sanctions des Etats-Unis contre l’Iran, établir un large accord économique entre la région et l’Union européenne et des formes d’intégration économique plus profonde au sein de la région.
Dans un tel contexte, seraient réunies des conditions pour :
 la solution du conflit israélo-palestinien (lequel requiert l’existence de deux Etats, conformément aux résolutions des Nations unies de 1947 et 1948) qui doit garantir sécurité et prospérité, l’indemnisation des réfugiés palestiniens, le lancement de la coopération régionale ;
 le contrôle et, ensuite, la réduction des armements sur la base d’une zone moyen-orientale sans armes nucléaires ;
 la stabilisation de l’Irak, qui doit passer du contrôle américain hégémonique à une administration multilatérale fondée sur un rôle fort des Nations unies ;
 la promotion, dans la région, des doits de l’homme et de la démocratie, ce qui peut être accompli dans le cadre d’une pacification régionale et dans le progrès économique et social.

Une conférence pour la stabilisation de la région doit être intégrée, à l’échelle mondiale, à une initiative pour l’application correcte du Traité de Non-prolifération (TNP) qui implique l’engagement des puissances nucléaires à « mener de bonne foi des négociations relatives aux mesures convenables pour mettre un terme, dès que possible, à la course aux armements nucléaires et pour désarmer et signer un traité en vue d’un désarmement général et complet sous contrôle international ». Un tel engagement doit être respecté par toutes les puissances nucléaires existantes et comporter la demande à tous les autres Etats d’abandonner tout plan pour le développement, la production et l’acquisition d’armes nucléaires et il devrait conduire à surmonter l’injuste séparation entre les puissances nucléaires et non nucléaires.

Une Organisation des Nations unies renforcée et démocratisée doit donc être dotée de réels pouvoirs de contrôle des technologies nucléaires.

Les orientations esquissées ci-dessus requièrent de surmonter d’énormes obstacles : d’un côté, les forces autoritaires et nationalistes du Moyen-orient et, de l’autre, le rôle hégémonique des Etats-Unis.

L’humanité doit faire face à des défis cruciaux -la prolifération des ADM, la pauvreté, le terrorisme transnational, l’instabilité de plusieurs zones régionales, les préoccupations écologiques- sans parler de tous les problèmes de gouvernement de la mondialisation, défi qui exige la construction d’un monde plus juste et pacifique, fondé sur la mise en place d’une organisation internationale mondiale et d’institutions régionales.

Dans un tel contexte, l’Union européenne, qui prend un intérêt profond à la paix et au progrès en Moyen-Orient, peut jouer un rôle important. Considérons le document Solana, « Une Europe sûre dans un monde meilleur ». Il suggère la vocation de l’Europe (issue d’un processus de pacification) à mener une politique mondiale pour la paix, tandis qu’au Moyen-Orient, le processus de Barcelone et l’initiative UE 3 (France, Grande-Bretagne et Allemagne) sont déjà à l’œuvre.
La politique de l’Union européenne envers Téhéran doit, donc, être partie d’un ensemble plus général qui doit représenter une alternative concrète aux choix américains, telle qu’une initiative pour l’application intégrale du TNP, affirmant sa disposition à renoncer aux armes nucléaires et à les soumettre au contrôle de l’IAAE, pourvu que les puissances nucléaires fassent de même.
Cependant, des propositions ne suffisent pas. L’Union européenne doit être dotée d’une force réelle pour convaincre, à la fois, les Etats moyen-orientaux et les Etats-Unis ; cela veut dire qu’elle doit jouir d’une réelle capacité internationale en se débarrassant du principe de l’unanimité qui entrave la possibilité d’un rôle propre de l’Europe en tant qu’acteur mondial.
Néanmoins, dans le cadre institutionnel présent, quelque chose peut être atteint. La CSP, par exemple, doit être interprétée d’une façon plus communautaire et des coopérations structurées (prévues dans la Constitution) devraient être immédiatement applicables, particulièrement en ce qui concerne le rôle de l’Europe au Moyen-Orient.

Résolution votée à une écrasante majorité.
Traduction de Jacques CHAUVIN – Président UEF Ile de France