Dans la perspective des élections européennes de 2014

Le débat officiel sur la future Union européenne est ouvert

, par Jean-Guy Giraud

Dans son discours sur « L’état de l’Union européenne »
(UE) du 12 septembre 2012, le Président Barroso a
ouvert tardivement -mais plus largement et plus
précisément que prévu- le débat sur « la nature de la
future Union européenne ».

D’ores et déjà vont se développer de façon plus ciblée les
réflexions, idées et propositions concrètes relatives non
seulement à une nouvelle base constitutionnelle pour
l’Union économique et monétaire -mais aussi à l’« Union
politique », sa démocratisation et son renforcement.
Ce débat sera centré autour de la notion de « fédéralisme »
largement évoquée depuis plusieurs mois mais
« estampillée » formellement par M. Barroso en tête de
son discours.

Le calendrier de ce débat est heureusement fixé en
relation avec les élections européennes de 2014 sur
lesquelles il débouchera démocratiquement.

L’UEF France accueille avec une satisfaction particulière
l’ouverture officielle du débat sur « la réforme de 2014 » ;
elle l’appelle en effet de ses voeux depuis plus de trois
ans. Elle y participera donc activement et peut d’ores et
déjà verser au dossier ses précédentes réflexions.

Aujourd’hui, j’appelle à une fédération d’États
nations. Créer cette fédération exigera en fin de compte
(‘ultimately’) un nouveau Traité.

Barroso reprend prudemment l’expression de Jacques
Delors et assure ainsi continuité, respectabilité,
parrainage et ... imprécision. L’important est la
reconnaissance -formelle cette fois- de l’utilisation du
mot « fédération » et de la nécessité d’un « nouveau
Traité ». Un grand pas est franchi et on note que Barroso
parle de « en fin de compte » plutôt que de l’habituel « long
terme ». D’ailleurs il semble avoir en tête un délai assez
court (voir ci-dessous).

Il doit y avoir un large débat en Europe. Un débat qui
doit avoir lieu avant de convoquer une Convention et une Conférence inter-gouvernementale (CIG). Un débat
d’une dimension vraiment européenne.

La « méthode » est fixée : Convention et CIG. Cela
ressemble à la méthode de révision de l’article 48 § 3
TUE -mais l’expression « nouveau Traité » peut aussi bien
signifier un « traité de révision » qu’un traité véritablement
nouveau comme l’était le « Traité instituant la
Constitution européenne ». Il peut aussi y avoir là une
porte ouverte à une méthode qui permette de contourner
d’éventuels vetos (cf. UK). Barroso insiste beaucoup sur
la nécessité d’un débat « large » et « européen ». Il faut
espérer que la Commission ne va pas imaginer une des
procédures-de-consultation publique-usine-à-gaz dont
elle a le secret.

C’est pourquoi les élections européennes de 2014
peuvent être décisives.

Le calendrier est fixé : la plaque tournante sera 2014. On
peut se demander pourquoi il aura fallu si longtemps pour
découvrir une échéance et une date aussi évidentes — et
perdre ainsi de nombreux mois de réflexion et de
préparation. En tout cas, chacun est à présent averti et
peut s’organiser en conséquence. Certains verront dans
cette date une corrélation avec les ambitions électorales
personnelles de Barroso. C’est de bonne guerre. Barroso a
été élu pour deux mandats dans (et grâce à) l’indifférence
complète du Parlement européen ; espérons que ce
dernier jouera vraiment son rôle démocratique cette fois
(cf. choix public des candidats par les partis politiques
européens). Espérons aussi que la pesanteur des débats
nationaux ne l’emportera pas une fois de plus sur le débat
européen.

Avant les prochaines élections du Parlement européen
en 2014, la Commission présentera sa vision de la
nature de la future Union européenne. Et nous
présenterons des idées explicites pour une révision des
Traités en temps utile pour le débat.

Barroso « ratisse large » : il s’agit de « la nature de la future
Union européenne » et non pas de simples modifications
institutionnelles. Toutefois, il parle aussitôt après de
« révision des Traités », procédure qui ne permettrait pas
de changer « la nature » de l’UE (voir ci-dessus). Il sera
bon que la Commission présente sa « vision » et ses « idées
explicites » avant le débat (c’est-à-dire début 2013...).

Sinon celui-ci sera préempté par des propositions
réductrices qui sont en préparation notamment au RU
(« eufreshstart ») et peut-être en France (cf. la
reconstitution du front du NON à l’occasion de la
ratification du traité budgétaire).

Nos propositions seront basées sur l’Union telle qu’elle
existe et sur ses institutions. Sur la méthode
communautaire. Soyons clairs : il n’existe qu’une Union
européenne. Une Commission. Un Parlement.

Le titre de ce § est « 17/27 dimension ». Il s’agit donc
clairement de la question de
l’institutionnalisation/séparation éventuelle de la zone
euro. Et la réponse est NON. Barroso confirme donc
l’opposition politique formelle de la Commission à toute
perspective de division de l’UE en deux blocs, basée sur
l’appartenance à l’euro. Ce faisant, il conforte aussi le
point de vue du Parlement européen opposé à sa propre
partition. À noter qu’il parle ici de « propositions » et non
plus de vision et confirme donc l’intention de la
Commission de déposer un projet formel (au sens de
l’article 48 § 3 TUE).

Nous devons utiliser l’élection de 2014 pour mobiliser
toutes les forces pro-européennes. J’attends que tous
ceux qui se considèrent pro-européens qu’ils se lèvent et
qu’ils prennent l’initiative de ce débat.

Un assez rare appel (de la part de cette Commission) aux
« forces pro-européennes » -au premier rang desquelles se
trouvent les associations telles que l’UEF, le ME, les JEF
et quelques autres. Espérons que cet appel sera entendu ;
mais à lire les programmes d’activité de certaines
associations « pro-européennes », on ne distingue pas
toujours une priorité donnée à ce débat et à cette
échéance... Pour ce qui concerne l’UEF-France, celle-ci
« s’est levée » en juin 2010 et a déjà élaboré des
propositions détaillées (« La réforme de 2014 »).

Là où nous ne pouvons pas avancer sur la base des
Traités existants, nous présenterons des propositions
explicites pour les modifications nécessaires des Traités
avant les élections européennes de 2014, y compris des
éléments destinés à renforcer la démocratie et la
responsabilité.

Ce passage est plus réducteur que les précédents : la
révision porterait principalement sur les questions
économiques et monétaires (ce qui est normal) -mais les
propositions plus politiques se limiteraient à renforcer la
démocratie (et l’accountability) ainsi d’ailleurs que l’a
suggéré Angela Merkel. Cela n’est guère conforme à
l’ambition affichée plus haut de définir « la nature de la
future Union européenne » et les partisans d’un « saut
fédéral » seront déçus (quid par exemple de la suppression
de la règle de l’unanimité ?). Mais ils pourront enfin
s’exprimer dans le cadre d’un débat et non plus dans le
désert médiatique.

En conclusion, la Commission a le mérite politique de
lancer un débat qui, en d’autres temps, aurait été initié par
le Parlement européen lui-même. Le calendrier est serré
du fait de ce départ tardif -mais les délais sont suffisants
si chacun s’efforce de réfléchir aux solutions possibles
plutôt qu’à ressasser la description des problèmes.