Printemps arabe, Union européenne, Moyen-Orient, paix, intégration régionale…

Un discours politique renouvelé

, par Joseph YACOUB

Les transformations majeures (Tunisie, Egypte, Libye, Yémen, Bahreïn, Irak …) que connaît le monde arabe impliquent un changement total dans la manière dont ce monde a été perçu, analysé et traité.

En effet, nous assistons à l’émergence d’un nouveau discours politique arabe basé sur le peuple souverain et sa volonté générale de décision, sans ingérence extérieure, le principe d’une citoyenneté commune par delà les appartenances particulières (confessionnelles et ethniques), couplée cette fois avec un Etat de droit, la démocratie, les libertés publiques, l’égalité et non discrimination, la notion de dignité, la conscience des droits individuels et la justice sociale.

Au niveau des idées, une philosophie politique du droit est en train de faire son apparition, qui introduit et combine un droit positif dûment agréé, fixé et affirmé démocratiquement par la société et les représentants du peuple, avec les principes d’un droit naturel inhérent à l’homme dans son humanité, au-delà des contingences, ce qui est, en soi, une nouveauté. En cela, ce discours est humaniste et universel, et créateur d’une dynamique populaire.

Si cette évolution dans la pensée politique est sans précédent, il faut dire que durant les deux dernières décennies, les peuples arabes, grâce à des espaces conquis bravant les Etats étaient entrés dans une période d’enfantement de la démocratie politique et sociale, qui a maintenant émergé et se traduit dans les faits.

Que s’est–il passé ces derniers temps et en quoi cela peut nous aider à mieux comprendre ces changements ?

En effet, durant les dernières années l’accès à l’information a été un phénomène unique. Les rencontres s’étaient multipliées sur la nécessité des réformes politiques qui furent largement répercutées par les médias et les chaînes satellitaires comme Al Jazeera (elle-même véhicule de démocratie), et qui ont, ainsi introduit les valeurs et les règles de la démocratie et les ont insérées dans les moeurs. On a assisté à des débats très larges sur le contenu de la démocratie, la laïcité, la nature et les fonctions d’un Etat civique et moderne, la nécessité d’un pacte social conclu entre gouvernants et gouvernés, la séparation des pouvoirs, la citoyenneté, le statut et le rôle de la société civile, celui de la femme, la nécessité d’une lecture et interprétation moderne de la charia, l’autonomie des choses terrestres, le droit à la différence et la condamnation de l’exclusion, l’indépendance de la justice. On s’est dit favorable à la démocratie et aux règles du jeu politique, soucieux d’une Constitution qui limite les pouvoirs des gouvernants et garantit les droits fondamentaux des citoyens individuels et collectifs, et le respect des droits des minorités ethniques, culturelles et religieuses au sein d’une entité nationale arabe.

Ce faisant, le monde arabe renoue avec la pensée humaniste et progressiste et les tentatives de sécularisation qui ont émaillé son histoire. Ajoutons que ce monde a toujours connu des mouvements nationalistes, rationalistes et religieux (musulmans et chrétiens) qui ont prôné l’affranchissement de la servitude et la libération. Et les Révolutions en cours s’inscrivent naturellement et en toute logique dans cette lignée.

À présent, les peuples attendent la suite. Les enjeux sont de taille et l’impact sera grand sur la façon dont le monde arabe repensera le nationalisme, réformera son corpus constitutionnel, amendera sa législation, traitera son passé, révisera ses manuels d’enseignement de l’histoire et de la religion, pour introduire le pluralisme politique et culturel et valoriser ses minorités ethniques, linguistiques et religieuses.

P.-S.

Joseph YACOUB

Professeur de sciences politiques à l’Université catholique de Lyon (Institut des droits de l’homme) - Spécialiste des minorités dans le monde, des peuples autochtones et des chrétiens d’Orient - Auteur, entre autres, de, Fièvre démocratique et ferveur fondamentaliste. Dominantes du XXIème. siècle, Ed. du Cerf, 2008.

Article publié initialement dans La Croix du 4 mars 2011

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