Fédéchoses numéro 11 - 1975

Éditorial

La crise qui bouleverse les États européens est fondamentalement causée par la fin de la période d’ intégration économique de l’Europe et le manque d’ unification politique. Les compétences fuient toujours plus des mains des gouvernements qui restent ainsi privés de pouvoirs effectifs et, à niveau européen, où les décisions devraient être prises, existent des eurocrates, irresponsables devant la population et pour cela, privés de pouvoir. Il est impensable que les Européens renoncent au bien-être que leur a procuré le Marché Commun et est également impensable un retour pur et simple au protectionnisme. La contradiction de fond est donc destinée à durer jusqu’ à la naissance d’un gouvernement européen et, jusqu’ à ce point, excepté le cas d’ importantes modifications d’équilibre entre la Russie et les États-Unis, l’on peut prévoir que l’ instabilité sociale et politique est destinée non seulement à continuer , mais encore à s’accroitre. Aujourd’hui, toutes les formes de gouvernement en Europe semblent précaires. La vie politique se développe toujours plus en dehors des cadres politiques traditionnels : la crise que traversent les partis politiques n’ est que le reflet de celle des États nationaux dans lesquels ils sont structurés. Il est évident que, dans ce contexte, les possibilités , pour les fédéralistes, d’ une action extraparlementaire, sont multipliées. Une action contestataire mais à étroit contenu fédéraliste semble être celle contre le service militaire obligatoire. La conscription obligatoire a toujours été l’ une des armes les plus puissantes entre les mains de l’État national pour manipuler les consciences individuelles et transformer l’homme en un citoyen obéissant jusqu’ au sacrifice suprême consistant à « donner la vie pour la Patrie ». On peut donc dire dire, du point de vue institutionnel, que existe un État là où existe une armée et vice-versa. C’est grâce à sa puissance militaire que l’État peut concrètement exercer sa souveraineté dans les rapports avec les autres États. Remettre en cause « l’amour de la Patrie » dans les États continentaux européens est donc aussi remettre en cause le principe même sur lequel se fonde l’État national et les pouvoirs politiques existants. Pour nous, fédéralistes, la contestation du service militaire obligatoire doit devenir l’ instrument pour contester la légitimité sur laquelle se fonde aujourd’hui la légitimité étatique.