Fédéchoses numéro 67 - 1990

Éditorial : l’action des fédéralistes dans la prochaine phase de la politique européenne

Les événements en Europe centrale et orientale ont profondément modifié les données du processus de l’unification politique et de la démocratisation de la Communauté européenne.

Des horizons d’une ampleur incalculable se sont ouverts. Mais en même temps, le spectre du nationalisme menace, si on ne s’y oppose pas à temps, de plonger toute l’Europe dans le chaos et d’exposer la Communauté à des tensions insupportables.

Face à l’accélération incroyable de l’histoire, l’unification politique de l’Europe doit tenir le pas. De nouveaux atermoiements pourraient être lourds de conséquences. Et surtout, comme l’a souligné avec force le Président Delors, la réalisation de l’Union monétaire ne peut plus être dissociée de la création d’une Union politique de nature fédérale.

Malgré cela, les gouvernements des Douze ne semblent pas être conscients de l’urgence d’une action décisive, bien qu’ayant déclaré à plusieurs reprises leur volonté de réaliser l’Union monétaire et de renforcer la Communauté. De son côté, le Parlement européen fait preuve d’inertie et d’indécision. C’est donc aux Fédéralistes de prendre l’initiative.

Ce que les gouvernements des pays membres de la Communauté, le Parlement européen et les parlements nationaux devraient faire pour profiter de la chance qui leur est offerte est évident :

  1. Le Parlement européen devrait commencer immédiatement, en collaboration avec les parlements nationaux, à élaborer les lignes directrices d’une Constitution européenne sur la base du Projet de Traité de 1984. Ce travail devrait être terminé pour la fin du mois de juin 1990.
  2. Les lignes directrices adoptées par le Parlement européen devraient être examinées par les gouvernements pendant le semestre sous présidence italienne. Le Conseil européen devrait, lors de sa réunion des 14 et 15 décembre 1990, charger le Parlement européen de rédiger une constitution de l’Union fédérale européenne, en collaboration étroite avec les parlements nationaux, sur la base des lignes directrices déjà arrêtées ainsi que des orientations complémentaires données par le Conseil européen.
  3. La constitution de l’Union fédérale européenne, après avoir été approuvée par le Parlement européen, devrait être soumise aux parlements nationaux pour ratification.

Il est clair que les gouvernements ne chargeront par le Parlement européen de la tâche dont nous venons de parler s’ils sont obligés d’agir dans un vide politique. Les Fédéralistes devraient contribuer à ce que ce vide ne se produise pas ou à ce qu’il soit comblé. Cela, ils le peuvent directement s’ils assument une forte présence les 14 et 15 décembre 1990 à Rome, à l’occasion de la réunion du Conseil européen. Une manifestation adéquate sera organisée.

Mais avant tout, nous devons stimuler le Parlement européen car il est absolument invraisemblable que les gouvernements donnent au Parlement européen un rôle qu’il ne revendique pas avec énergie. Du reste, des initiatives en ce sens au Parlement européen de la part des gouvernements n’ont pas manqué ces derniers temps. La plus nette a été celle du Président Mitterrand qui, dans son discours du 25 octobre 1989 à Strasbourg, encourageait le Parlement européen à convoquer "de vastes Assises" sur l’avenir de la Communauté. Avec les parlementaires européens, des délégations des parlements nationaux et des représentants de la Commission et des gouvernements devraient participer à ce rassemblement.

Le Parlement a réagi à l’invitation du Président Mitterrand par l’adoption d’une résolution le 23 novembre 1989 par laquelle il charge sa Commission institutionnelle d’organiser des "Assises européennes", qui devraient se réunir pendant le deuxième semestre de 1990.

"Une vaste assemblée qui devrait rassembler les parlementaires européens, des délégations des parlements nationaux - y compris des observateurs des parlements de l’Europe centrale et orientale - ainsi que des représentants des gouvernements et de la Commission dans le but de réaffirmer solennellement le droit des représentants du peuple européen de recevoir un mandat constituant pour, en ce dernier une année décisive pour l’Europe, donner une grande impulsion au processus en cours. Grâce à l’appui des représentants du peuple, les gouvernements qui sont décidés à avancer recevraient la couverture nécessaire et la force pour imposer leur point de vue".

Les Assises constituent dès lors une étape décisive du processus. En même temps, elles sont un événement sur lequel les Fédéralistes, s’ils agissent ensemble et avec énergie, peuvent avoir une influence décisive.

Il est aujourd’hui inutile de se cacher que le Parlement européen est craintif et incertain. Il doit savoir que l’opinion publique l’appuie dans sa revendication d’obtenir le mandat constituant. C’est là notre rôle. L’UEF devrait dès lors lancer une action envers le Parlement européen et les parlementaires nationaux qui aurait les objectifs suivants :

a) que le Parlement européen, en collaboration avec les parlements nationaux, se mette tout de suite au travail et rédige les lignes directrices d’un projet de Traité pour l’Union européenne ;

b) qu’après l’adoption de ces lignes directrices, soit convoquées, à l’automne de cette année, de grandes Assises européennes qui revendiquent solennellement le rôle dont du Parlement européen au mandat constituant.

Les Fédéralistes disposent de nombreuses possibilités d’action et de pression comme, par exemple, l’organisation de Forums à caractère international qui revendiquent la reconnaissance du pouvoir constituant au Parlement européen (pré-Assises). L’organisation de débats avec des parlementaires européens et nationaux, la récolte de signatures pour pétitions, l’envoi de lettres et de télégrammes.

Nous ne devons pas sous-estimer la possibilité d’impact de notre action sur les hommes politiques. Mais notre action ne sera décisive que si, partout où nous disposons d’organisations de base, nous sommes capables de montrer le même visage et la même volonté - en dépit de la diversité de nos forces dans les différents pays - et si nous sommes capables d’être présents dans nos villes par l’action de nos section locales...

Francesco Rossolillo