Démocratie mondiale, écologie : même combat ?

, par Hervé Moritz

Alors que certains annonçaient la mort des idéologies au XXIe siècle, l’écologie s’impose comme le logiciel politique qui marque ce début de millénaire. Elle est la réponse à ce que l’on peut associer au plus grand péril de notre temps : Le réchauffement climatique et ses conséquences, les perturbations de notre écosystème et l’effondrement de la biodiversité. Pourtant, elle n’est toujours pas synonyme de démocratie mondiale. Un paradoxe que nous, fédéralistes, avons la responsabilité de résoudre.

À des enjeux mondiaux, une solution mondiale

Les enjeux environnementaux prennent aujourd’hui une place majeure sur la scène internationale. Dans le théâtre des Nations unies, les COP sont devenues les premières vitrines de cette mondialisation des enjeux environnementaux. Elles témoignent de deux prises de conscience de notre société contemporaine sur le sujet.

La première, c’est la conscience des conséquences des activités humaines sur notre environnement. Une idéologie émergeante tente aujourd’hui d’y répondre au-delà de toute question partisane : l’écologie.

La deuxième prise de conscience qui s’installe peu à peu dans l’opinion publique, c’est qu’à un problème mondial, il faut une solution mondiale. D’une part, les conséquences du péril climatique et environnemental que nous observons déjà ne connaissent pas de frontière. D’autre part, la mise en œuvre de solutions localement ne suffiront pas à inverser la tendance. D’autant plus que la résilience écologique d’un territoire ne peut lui garantir une préservation durable, puisqu’il demeure affecté par des facteurs extérieurs, indépendants de la volonté de sa population, qui peuvent être le résultat d’activités humaines à l’autre bout du globe. Seule une solution globale peut répondre à ce problème mondial.

Un débat pourtant déjà mondial

Au-delà de ces grandes messes internationales que sont les COP, une mobilisation de la société civile a peu à peu pris une dimension similaire. D’organisations nationales ou transnationales, des ONG à dimension mondiale rythment aujourd’hui des campagnes sur des enjeux environnementaux aux quatre coins du globe et dont le retentissement médiatique et politique résonne dans de nombreux pays d’un bout à l’autre de la planète.

Le phénomène autour de la jeune suédoise Greta Thunberg et les marches pour le climat révèlent encore un peu plus ce cosmopolitisme militant. Tout dans ces mobilisations est mondial : les modes d’action et de communication, les slogans identiques, les figures de la contestation dépassent les frontières nationales. Ces manifestants sont des citoyens du monde.

Le paradoxe d’un monde gouverné par des États aussi omnipotents qu’impuissants
Cependant, dans cette grande crise mondiale, qui passionnent les opinions publiques et contribuent à les fédérer dans un grand espace public mondial, ce sont les gouvernements étatiques qui restent à la manœuvre. À la fois omnipotents par leur souveraineté absolue sur leur territoire et leur population, et impuissants face aux grands enjeux du monde tels que la crise environnementale actuelle, les États-nations sont toujours les principaux acteurs sur la scène mondiale. Ces enjeux ne trouvent leur place que dans le cadre de conférences internationales, qui peine à faire émerger des solutions à la hauteur du péril.

Les États-nations apparaissent donc comme incapables d’apporter des solutions suffisantes à inverser la tendance mondiale. Et l’internationalisme ne suffit pas à mobiliser la communauté mondiale en ce sens.

L’impuissance des États-nations face aux grands défis du monde, c’est un paradoxe que les fédéralistes dénonçaient déjà au lendemain de la Seconde Guerre mondiale dans d’autres circonstances.

L’écologie, un projet. La démocratie mondiale, une méthode.

Les écologistes au sens large ne sont pourtant pas unanimes, ni des plus virulents, pour dénoncer un ordre mondial qui fait la part belle à la puissance étatique et pour soutenir l’idée d’une démocratie mondiale, qui pourrait s’incarner par un Parlement mondial. Nous aurions pu penser que le cosmopolitisme, qui promeut l’idée de citoyenneté mondiale et accompagne le dessein d’une démocratie mondiale, faisait l’unanimité dans leur rang. Force est de constater qu’il n’en ait rien. En France notamment, les partisans de l’écologie n’ont pas encore fait leur choix entre nationalisme et cosmopolitisme, entre souverainisme national et fédéralisme européen. Les clivages sur la question européenne au sein de la gauche française en témoignent et révèlent des incompatibilités manifestes.

Nous vivons finalement dans un monde anachronique. Pour faire face aux enjeux du XXIe siècle dont nous avons pris conscience, nous voulons utiliser les méthodes du XIXe ou du XXe siècle. Il ne peut y avoir de succès de l’écologie sans une large gouvernance mondiale, légitime et réunissant tous les acteurs autour de la table. Si l’écologie est un projet, il lui faut une méthode : la démocratie mondiale.

Il est donc de notre responsabilité en tant que fédéralistes européens et mondiaux, de promouvoir partout une idée simple : L’écologie est un projet. La démocratie mondiale est sa méthode. C’est ce que nous devons imposer dans le débat public à tous les niveaux pour convaincre tous les partisans de l’écologie et contribuer ainsi à répondre aux enjeux de notre temps.