Hommage à Bernard Lesfargues

, par Jean-Francis Billion

Hommage à Bernard Abel Lesfargues, décédé le 23 février 2018 à Mussidan en Périgord, auteur et poète, traducteur, éditeur et militant fédéraliste

Bernard Lesfargue

Bernard Lesfargues, né en 1924 à Bergerac s’est éteint à Mussidan le 23 février 2018, à quelques kilomètres de la maison de ses grands-parents maternels à Église neuve d’Issac où il s’était retiré après avoir pris sa retraite de professeur agrégé d’espagnol à Lyon au début des années 1980. Bernard s’est éteint presque un an jour pour jour après son ami de jeunesse Jean-Pierre Gouzy rencontré à Paris où il s’était instalé fin 1944 pour suivre ses cours en khâgne. C’est en 1945 que Bernard adhère à l’Institut d’études occitanes à peine créé après la Libération et où il rencontrera le futur écrivain et linguiste Robert Lafont. Par contre, c’est Jean-Pierre qui l’amène au fédéralisme européen et ils créent ensemble un Comité d’action fédéraliste avant de rejoindre la section française de l’Union européenne des fédéralistes fondée fin 1946.

Cette époque est aussi, pour Bernard, celle d’une première tentative dans le monde de l’édition, avec la fondation d’une revue poétique, Les Cahiers du triton bleu, dont Jean-Pierre sera également l’un des quelques rédacteurs. C’est aussi dans ce cadre qu’il publie avec Lafont une Anthologie de la jeune poésie occitane. Sans cette première tentative, arrêtée faute de fonds, les Éditions Fédérop n’auraient probablement jamais été fondées en 1975.

C’est vers la fin des années 1950 que Bernard s’installe à Lyon. Il y participe à la Campagne pour le Congrès du peuple européen, se lie de plus en plus avec les fédéralistes italiens, Altiero Spinelli puis Mario Albertini, auprès desquels il se dépense sans compter pour le Mouvement fédéraliste européen où il va rencontrer progressivement Bernard Barthalay (vers 1963), Jean-Luc Prevel (vers 1965 / 6) et moi (à l’automne 1968) pour parler de ses cadets. Durant ces années il occupe systématiquement, selon le témoignage de notre ami de Pavie Elio Cannillo, la présidence à Bâle des réunions du courant créé par Albertini au sein du MFE supranational, Autonomie fédéraliste. Bernard est aussi le responsable de la publication de la revue fondée par Albertini, Il Federalista, qui paraîtra exclusivement en français et sous sa responsabilité de 1962 à 1974 (avant une nouvelle tentative de 1984 à 1988 où il sera de plus en plus secondé par Jean-Luc).

Nous pouvons en retenir que Bernard n’a pas été seulement un excellent et recherché traducteur de l’Espagnol puis du Catalan mais également de l’Italien. Tout récemment nous avons découvert qu’il s’était intéressé au Yiddish et des années auparavant nous avions, Denise et moi, été fascinés par sa connaissance des langues amérindiennes d’Amérique centrale lors d’une exposition au Petit Palais

Bernard, c’est donc en 1968, jeune mais inactif adhérent du MFE depuis 1967, sur la trace de mes parents, que je t’ai rencontré la première fois. Sur les conseils de mon prof d’espagnol Jean-Paul Cortada, je pris la direction de la Rue des trois Maries où un soir d’automne, tu m’est apparu en haut d’un escabeau, échevelé et couvert de plâtre, en train de repeindre le plafond du local qui allait quelques semaines plus tard être la Librairie Fédérop. Tu étais Président du MFE régional mais aussi le responsable du groupe lyonnais de Lutte occitane et ton double engagement nous a marqués pour la vie, en particulier Jean-Luc et moi. Depuis lors, nous ne nous sommes plus quittés malgré votre départ de Lyon après ta retraite. Tu m’as donné de trop rares et premiers cours de lecture occitane, tu m’as aussi dédicacé ton recueil de poèmes, Ni cort, Ni costier, publié en 1970 à Nîmes par 4 Vertats, d’une phrase superbe, « A Jean-Francis Billion, que non seria Occitan se non voleva l’estre ». Je te l’ai rappelé lors d’une de nos dernières rencontres il y a quelques semaines. Après la Librairie Fédérop, l’aventure littéraire et culturelle a continué, car avec Pierre-Gilles Flacsu dont les hasards de la vie avait fait ton beau-frère, j’ai été à tes côtés le troisième des co-fondateur des Éditions, même si tu l’a rappelé dans une interview publiée dans Fédéchoses (en annexe de cet hommage) que la fondation des Éditions était avant tout une aventure personnelle dans la lignée de la fondation du Triton bleu. Le nom de Fédérop, difficile à accepter initialement pour certains de nos amis non fédéralistes, ne cachait pas nos opinions !

Cher Bernard, Car Bernat, je me suis ici volontairement attardé sur nos premières rencontres qui en ont précédé tant d’autres, et en particulier les semaines de vacances qu’avec les enfants, nous avons régulièrement partagées avec Michèle et toi à Église neuve d’Issac, à quelques kilomètres de Montagnac-la-Cremps où nous demeurerons maintenant de plus en plus souvent. Malheureusement nous y serons arrivés bien tard, trop tard et je ne cesserai de me le reprocher...

Il m’était impossible d’aborder ta vie de militant fédéraliste sans aborder et insister en parallèle, sur ta vie d’auteur, occitan et français, de traducteur multilingue et de grande qualité, enfin d’éditeur qui, depuis une vingtaine d’années t’a tenue, avec l’éloignement géographique, à l’écart de la vie de l’infatigable militant fédéraliste que tu avais été auparavant. Mais tu n’avais rien perdu de tes convictions comme tous les textes que tu nous adressais de temps à autre le montrent.

Cher Bernard, Car Abel, nous ne t’oublierons pas et nous tacherons de poursuivre tes combats et d’entourer tes proches de notre affection.

Merci enfin de la joie que tu m’as faite il y a moins d’un mois, à notre dernière visite chez vous, avant celles que nous vous avons rendues à Mussidan, lorsque tu m’as exprimé tes regrets de n’avoir pu travailler avec moi à la révision de l’édition du volume sur Albert Camus que Presse Fédéraliste venait de publier et dont j’aurais tellement aimé te lire des passages comme tu en avais exprimé le désir.

Bernard, repose en paix en cette terre occitane que tu as tellement aimée et célébrée.

P.-S.

Jean-Francis Billion est co-fondateur avec Bernard des Éditions Fédérop (1975), de Presse Fédéraliste (1978), membre du Bureau de l’UEF France et de son Comité fédéral