Le Prix Nobel de la paix et le risque climatique

L’attribution du prix Nobel de la paix à l’IPCC
(Intergovernmental Panel on Climate Change) et à Al.
Gore a été un événement d’une importance extraordinaire
dans la mesure où il a attiré l’attention internationale sur
les risques du réchauffement global, causé par les
émissions de CO2 dans l’atmosphère du fait de l’homme,
et lancé un avertissement pour agir « avant que les
changements climatiques échappent à tout contrôle ».
Après une telle reconnaissance internationale, solennelle
et compétente, il devient de plus en plus difficile de nier
que la corrélation entre l’usage répété de carburants
fossiles et l’augmentation de la température sur la terre
est un fait clair, scientifiquement prouvé et pas seulement
une théorie (une parmi d’autres) d’un groupe de
scientifiques.
C’est ainsi qu’a été mise en déroute l’offensive conduite
à grands frais par les lobbies puissants du pétrole et de
l’automobile, utilisant les canaux médiatiques du monde
entier, prompts à minimiser les risques et à susciter des
doutes pour accréditer l’hypothèse de la prépondérance
des causes « naturelles » des changements climatiques
contre lesquels, dans la mesure où ils seraient inévitables,
des modifications profondes dans l’économie de
l’énergie, dans les modes de vie et les modèles de
développement des pays industrialisés ne serviraient à
rien.
Les thèses soutenues dans les différents rapports de
l’IPCC et d’Al. Gore ont ensuite fait le tour du monde ce
qui a servi à faire prendre conscience non seulement de la
gravité de la situation mais aussi de la brièveté
extraordinaire du laps de temps qui reste puisque, en
l’absence de mesures sévères adéquates, au-delà de
l’échéance des années 2015/2020, l’émission continue de
CO2 dans l’atmosphère entraînerait des conséquences
catastrophiques, probablement irréversibles, pour toute
forme d’organisme vivant, animal ou végétal.
« Le temps des doutes est terminé et le moment de
l’action est arrivé », a ainsi déclaré Rajendra Pachauri,
Président de l’IPCC en exprimant le souhait que la
Conférence mondiale sur le climat de Bali de décembre
2008, saurait transformer en décisions politiques le
verdict des scientifiques vainqueurs du prix Nobel de la
paix.
Les scientifiques, les politologues et les hommes
politiques peuvent et doivent maintenant concentrer leur
attention sur le « que faire ? » (quelles mesures adopter
au niveau mondial) et avec quels moyens (politiques et
institutionnels).
Pour ce qui concerne les mesures à adopter, il ne fait
aucun doute que le premier dilemme à résoudre concerne
l’énergie. L’énergie est le facteur le plus significatif de la
croissance humaine, dans la mesure où il constitue la
principale ressource pour le développement et détermine
la nourriture, le transport, l’industrie, etc.
En 2004, la production primaire d’énergie dans le monde
a correspondu à une puissance moyenne de 15 millions
de mégawatts équivalent à la production de 15 milliards
de tonnes de carbone.
Par ailleurs, l’Agence internationale de l’énergie prévoit
une augmentation du besoin d’énergie de 2-3 % par an
dans le monde, tout en tenant compte de l’économie
d’énergie et des améliorations de l’efficacité énergétique
en progression continue.
Les estimations des scientifiques qui prévoient, sous
l’effet de la croissance prévisible de l’économie mondiale
et de l’augmentation de la population (qui ira jusqu’à
atteindre le seuil des 9 milliards d’individus), un
doublement du besoin d’énergie par rapport à
aujourd’hui, apparaissent donc comme réalistes et
prudentes.

d’énergie
primaire mais aussi satisfaire l’intégralité de
l’augmentation du besoin en utilisant des sources
« carbon free ». Que cela plaise ou non, l’énergie solaire
est l’unique source renouvelable qui ait la potentialité de
remplacer l’énorme déficit d’énergie « carbon free » d’ici
à 2030 puisque, comme on le sait, l’énergie transmise sur
la terre par le soleil en un jour est suffisante pour
satisfaire les besoins de toute l’humanité pour une année
entière.
Voici pourquoi il est nécessaire de concentrer la
recherche fondamentale et la recherche technologique
dans le secteur de l’énergie solaire, sous ses diverses
formes et ses différentes modalités techniques
(photovoltaïque, thermodynamique, à concentration,
etc.), dans l’objectif d’augmenter rapidement la fiabilité
technologique et les rendements en réduisant, dans le
même temps, les coûts de production de l’électricité
(jusqu’à 10 centimes d’euro). Il est ensuite nécessaire de
mettre au point et d’introduire sur le marché la
technologie qui permette « d’emmagasiner » l’énergie
solaire sous forme d’hydrogène et de la distribuer par des
réseaux intelligents, pour utiliser l’hydrogène comme
vecteur énergétique quand les sources d’énergie
renouvelables, intermittentes par nature, ne sont pas en
mesure de produire l’énergie et pour faire fonctionner les
moyens de transport.
On commence en tout cas à entrevoir la voie à suivre
pour reconvertir l’économie énergétique mondiale en
économie « carbon free », avec des efforts considérables,
des coûts élevés et des modifications profondes.
La réponse à la question sur les moyens politiques
et institutionnels pour intervenir
est encore plus complexe.
Le Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki Moon s’est
limité à soutenir que l’effet de serre pouvait être vaincu
en utilisant 0,12 % du PIB mondial et qu’on pourrait
ainsi limiter l’augmentation moyenne de la température
terrestre, au siècle en cours, à 2 degrés centigrades au
plus.
L’IPCC, Al. Gore, des scientifiques, des politologues et
des hommes politiques plus conscients revendiquent une
initiative politique au niveau mondial pour lancer un plan
mondial qui fixe des seuils maximaux globaux pour les
émissions de carbone et établisse des engagements pour
le passage à une économie énergétique durable. Si l’on
admet que tout cela est indispensable, de nombreuses
interrogations restent encore sans réponse. Je me limiterai
à en lister quelques unes :
 un nouveau traité international (Kyoto bis) et
une alliance internationale qui comprendrait les
pays (Etats-Unis et Chine) qui pèsent le plus sur
l’équilibre de la terre, suffiraient-ils ?
 qui garantira que les engagements
internationaux seront respectés ?
 est-il possible d’inscrire dans un traité
international toutes les activités à réaliser, tour à
tour, pour assurer la réalisation des objectifs ?
 comment adapter les activités données aux
progrès de l’innovation technologique et
pourvoir aux transferts de technologie en faveur
des pays en voie de développement ?
 quelle efficacité d’ensemble peut-on attendre,
dans la mesure où ce sont les Etats qui, d’une
façon autonome, emploieront les ressources sur
leur territoire, pour atteindre les objectifs fixés
en commun ?
 qui assurera les investissements et de quelle
manière, dans les pays en voie de
développement dans lesquels il est nécessaire de
concentrer le maximum d’effort ?
 qui gérera le processus complexe de la
reconversion de l’économie énergétique
mondiale et en répartira le coût élevé d’une
manière équitable ?
 quels moyens seront adoptés pour la recherche
des ressources et pour leur emploi ?
L’expérience vécue avec le Traité de Kyoto,
plutôt mal accepté jusqu’à aujourd’hui,
n’est pas encourageante.
On peut également considérer comme décevante
l’histoire de l’ambitieux « Plan d’action contre la
pauvreté et le sous-développement », lancé
solennellement en septembre 2000 par tous les Etats de
l’ONU, centré sur huit objectifs généraux (Millenium
Development Goals) à réaliser d’ici 2015, en utilisant 0,7
% du PIB des pays développés à haut revenu.
Le World Federalist Movement, lors de son Congrès
mondial de l’été dernier à Genève, a montré la voie pour
obtenir des résultats efficaces pour faire face aux
urgences environnementales mondiales en réaffirmant
dans une motion approuvée à l’unanimité que :
 ce sont les pays industrialisés, principaux
responsables de l’effet de serre et de la
dégradation environnementale de la planète, qui
doivent prendre en charge, prioritairement, les
coûts de la réduction des émissions de carbone
dans l’atmosphère ;
 c’est une Agence mondiale pour
l’environnement, avec des pouvoirs et des
moyens adéquats qui devrait coordonner et gérer
les actions nécessaires pour répartir
équitablement les coûts, pour garantir
l’engagement de tous les pays et promouvoir la
reconversion de l’économie mondiale dans un
sens écologique ;
 les ressources financières nécessaires devraient
parvenir à cette Agence mondiale par la levée
d’impôts mondiaux à finalité écologique comme
par exemple une taxe mondiale sur le carbone,
dans les pays industrialisés.

Utopie ou fuite en avant ?
Non, il s’agit de donner une véritable incitation, de
nouvelles perspectives et des objectifs précis à l’initiative
de 52 pays, parmi lesquels l’Italie et la France, qui ont
créé entre eux une association pour la constitution, au
sein de l’ONU, d’une Agence en mesure de faire face aux
urgences environnementales au niveau mondial (World
Environment Organization).

P.-S.

Roberto PALEA
Président du MFE Piémont
Article publié avec The Federalist Debate – Turin
Traduit de l’italien par Jean-Luc PREVEL