Fédéchoses numéro 51 - 1986

Éditorial : Une Constituante pour l’Union européenne

Après le changement de majorité parlementaire, il est juste de souligner les progrès réalisés en France depuis 1981 dans différents domaines et en particulier au travers de la décentralisation qui constitue un premier pas vers la démocratie locale. Cependant, les fédéralistes savent depuis longtemps que la solution des grands problèmes de notre époque ne passe plus par un changement de gouvernement dans les États européens.

Les dernières élections en France ont été révélatrices du stade avancé de décomposition de l’État-nation. Un État en un nombre important de citoyens a manifesté son intention de l’incapacité des familles politiques traditionnelles à résoudre les grands problèmes du moment dans le cadre où elles se complaisent. Telle est la signification profonde des 10 % de voix qui se sont portées sur les listes d’une extrême droite fascisante et raciste sans que ces électeurs aient toujours bien pesé les conséquences d’un tel acte.

Telle est aussi la signification du score dérisoire du P.C.F. qui paye chèrement son alignement sur Moscou et son incapacité à prendre le tournant européen comme le P.C. italien a su le faire avec succès.

L’acceptation par une partie de la droite classique d’alliances, même ponctuelles (à l’occasion des élections des présidents des Conseils régionaux par exemple), avec le Front National doit constituer un avertissement des risques qu’encourt la démocratie à s’étiole[r] dans un cadre dont l’incapacité à affronter la crise ne peut que croître.

Le seul rempart de la démocratie, c’est aujourd’hui l’Union Européenne.

Or le Sommet de Luxembourg a signé l’échec de la méthode intergouvernementale pour avancer dans le sens de l’unification politique de l’Europe. Si l’acte unique adopté à cette occasion comporte des points positifs, il est cependant fort éloigné du projet de Traité d’Union européenne élaboré par le Parlement européen.

Comme les fédéralistes l’ont toujours affirmé, la méthode diplomatique n’est pas la bonne pour réaliser une union entre des États souverains. Altiero Spinelli nous rappelle aujourd’hui la seule méthode adéquate : la Constituante. Devant la Commission institutionnelle du Parlement européen, il a déclaré en janvier 1986 : Les élections [européennes] de juin 1989 devront être faites pour élire un Parlement doté d’un mandat constituant. La Constitution de l’Union approuvée par le Parlement serait... ratifiée par ces Parlements nationaux ou par des référendums nationaux, mais elle ne devrait en aucun cas être soumise et remaniée par des conférences diplomatiques.

Il appartient à chacun de nous, dès aujourd’hui, de véhiculer ce message dans nos associations, comités de jumelage, etc., afin que le peuple européen commence à se mobiliser pour obtenir pour le Parlement un mandat constituant. La manifestation de La Haye, à l’occasion du prochain Sommet le 26 Juin, en constitue la première étape.