Fédéchoses numéro 47 - 1984

Éditorial

Le déroulement et les résultats de l’élection européenne du 17 juin dernier ont confirmé les craintes que nous avions exprimées dans notre précédent éditorial. Malgré l’émergence d’un embryon de démocratie européenne, les responsables des partis politiques restent prisonniers de l’État national considéré comme seul véritable cadre de la vie politique. Les grands partis ont mené campagne sur des thèmes de politique nationale entraînant chez les électeurs d’une part un désintérêt important concrétisé par le taux des abstentions, d’autre part, la cristallisation des frustrations face à des institutions politiques nationales incapables de maîtriser la crise. Cela rejette, en France surtout, une frange importante de l’électorat dans les bras de l’extrême droite.

Le discours tenu par les responsables des partis ne permettait pas de répondre clairement à la question posée par une élection européenne, c’est-à-dire : quelles politiques, quelles institutions pour l’Europe ? Il était logique que les électeurs s’abstiennent de répondre ou qu’ils répondent à côté. Les quelques formations politiques (la liste ERE, par exemple) qui ont su, dès le financement de l’enjeu européen de l’élection, ont recueilli peu de voix car seul le discours des grands formations est amplifié par les médias, déterminant ainsi le choix politique du plus grand nombre des électeurs.

L’événement marquant de cette période restera la déclaration du Président de la République française au Parlement européen le 24 mai, qui a ouvert la voie à la ratification du Traité d’Union européenne. Il s’agit là d’un changement radical de la position française à l’égard de la construction européenne. C’est la reconnaissance de la nécessité d’une réforme profonde des institutions européennes, discours qui n’avait jamais été tenu par un Président français. Le soutien ainsi apporté a placé le projet de Traité d’Union européenne voté par le Parlement européen le 14 février 1984 au cœur du débat politique, ce qui se manifeste par l’importance que la presse et les médias lui ont immédiatement accordée (conf. revue de presse).

La première concrétisation de cette prise de position a été l’annonce par Kohl et Mitterrand au sommet franco-allemand des 28 et 29 mai d’abolir les contrôles douaniers à la frontière entre la France et l’Allemagne et leur détermination commune de se situer à l’avant-garde du processus de refonte institutionnelle de la Communauté.

Le sommet de Fontainebleau les 25 et 26 juin, qui n’a résolu que des questions alimentaires, a déçu les espérances. En effet, le Traité d’Union européenne était à l’ordre du jour et la création d’un comité ad hoc ne rassure pas pleinement ceux qui avaient fondé des espoirs dans les récentes initiatives prises par le Président Mitterrand. Cependant, la résolution des problèmes budgétaires, notamment les questions liées à la contribution britannique, constituait un passage obligé sans lequel le fonctionnement de la Communauté aurait risqué d’être bloqué à court terme.

Fédéchoses numéro 47 - 1984