Fédéchoses numéro 65 - 1989

Éditorial : l’Union européenne et le nouvel ordre mondial

L’ordre ancien qui régissait le monde depuis Yalta est en train de se modifier fondamentalement. Avec les accords Reagan-Gorbatchev sur le désarmement, c’est le concept-même de détente qui s’est trouvé modifié : il ne s’agit plus simplement de freiner les dépenses militaires mais de concevoir une défense basée sur une recherche de sécurité réciproque. Une telle conception va à l’encontre de la politique de puissance et même jusqu’à ce jour par les USA et l’URSS et constitue les prémisses d’un nouvel ordre mondial fondé sur la paix garantie par le droit.

C’est en prenant en compte la possibilité de rapports avec l’Occident qui ne soient pas basés sur une menace permanente et en reconnaissant la nécessité de s’ouvrir au marché mondial que Gorbatchev peut mener la Perestroïka. Ce sont le effets de ce nouvel ordre mondial qui permettent aussi que l’URSS tolère l’émergence en Pologne et en Hongrie de systèmes politiques démocratiques. En d’autres, c’est surtout en Europe que l’ordre ancien, la division du monde en deux blocs antagonistes, se manifestait de la manière la plus aiguë.

Aujourd’hui c’est à l’Est qu’il y a du nouveau et que la démocratie bourgeoise. A l’Ouest l’ordre ancien se manifeste au travers du maintien de la division en États nationaux incapables de régler les problèmes essentiels de la politique.

Pourtant l’Europe dispose d’un Parlement élu, embryon de démocratie internationale et pourrait ainsi, par le dépassement de la souveraineté de l’État national concrétiser l’avènement du nouvel ordre mondial vers l’unification d’un genre humain. Cependant l’ordre ancien n’est pas mort et les tensions qui ne vont pas manquer de se produire en R.D.A. et en Tchécoslovaquie pourraient bien renverser la tendance.

Il importe que les États d’Europe occidentale ne se confrontent pas isolément avec cette évolution des pays de l’Est et qu’ils n’abandonnent pas maintenant la RFA à son tête à tête géopolitique—elle susceptible de réveiller les accusations de "revanchisme"préféré par les tenants de l’ordre ancien. L’Union européenne, nouvelle entité politique pourrait s’engager dans ce processus d’une nouvelle détente basée sur la sécurité réciproque et ainsi nouer les liens nouveaux pour une aide du développement économique des pays de l’Est nécessaire à la consolidation de leurs démocraties naissantes. La maison commune ne pourra être bâtie que si ses fondations s’enracinent dans une Union européenne dotée d’un véritable gouvernement, responsable devant le Parlement. Si la base est solide, c’est à dire si elle est fondée sur le renoncement à la souveraineté absolue du premier moyen d’États qui l’aura constituée, on pourra ensuite rajouter d’autres étages sans courir le risque que la maison s’effondre.

Jean-Luc PREVEL