Fédéchoses numéro 63 - 1988

ÉDITORIAL : Élections européennes Trouble et confusion

Décidément, c’est à désespérer de la classe politique française ! Les élections européennes approchent et tous les partis s’agitent.

On pense alors qu’ils travaillent à proposer, selon leur sensibilité, des projets tendant à analyser la situation et à évoquer la façon dont leurs élus inscriront leur action au sein du Parlement européen !

On pense encore qu’ils ont à cœur de choisir des candidats qui s’engagent vraiment dans cette Assemblée pour y travailler avec tout le sérieux et la disponibilité que cette activité requiert !

Trouble...

Que nenni ! Les projets sont des catalogues de mesures que seuls le Gouvernement et le Parlement français sont à même de prendre. Le Parlement européen ne se prononcera jamais sur la façon dont chaque État adaptera sa politique pour la mettre en conformité avec les décisions communautaires. Les projets, pour intéressants qu’ils soient, auraient dû servir au débat lors des élections présidentielles et législatives : ils n’ont aucun intérêt pour les élections européennes ; ils n’entretiennent que l’ambiguïté et préparent des enjeux nationaux lointains dont l’opinion publique est aujourd’hui fatiguée.

Alors le trouble s’installe car nous risquons de connaître une énième élection renvoyant dos à dos majorité et opposition. Celles-ci essaieront d’ailleurs de faire croire aux français et aux françaises qu’elles existent encore, alors qu’en fait elles ne cherchent, chacune à sa notoriété et à la légitimité de renouveler l’adhésion des citoyens. Les "renouvelés", ou qu’ils soient, n’y changeront rien s’ils n’ont pas la volonté de tout faire éclater : la classe politique française a besoin de sa révolution.

... Et confusion

Le travail d’un parlementaire européen c’est trois semaines de réunions par mois auxquelles s’ajoutent de fréquents déplacements et l’étude de nombreux dossiers.

Une session par semaine chaque mois précédée de réunions de commission et des groupes politiques tel est le lot d’un député consciencieux !

Comment imaginer alors que cet élu puisse assumer tâches aussi lourdes que celles du parlementaire national ou chef d’un exécutif territorial ?

Les chiffres sont d’ailleurs sévères pour la France. Sur 81 députés français, 17 suivent effectivement les travaux du Parlement. Et comme le vote est personnel, contrairement à l’Assemblée nationale, il ne faut pas s’étonner que la France soit si peu présente dans les décisions prises à Strasbourg.

Dans ces conditions, est-il sérieux et honnête vis-à-vis des électeurs de proposer des candidats qui ont déjà tant de responsabilités.

La confusion n’a jamais aidé au règlement intégral des problèmes et ce n’est pas de la façon dont on compose les listes dans les partis que la France sera demain plus présente, et mieux entendue au Parlement européen.

Alors, s’il est encore temps, rénovons les listes, rénovons le discours européen et penchons à défendre l’intérêt général des citoyens de ce pays et non ceux particuliers de quelques postulants du pouvoir national.

L’enjeu de ces élections est l’Europe politique que sans laquelle nul grand marché ne saurait fonctionner, ni l’avenir être bien préparé.

Alain REGUILLON
Président du Comité pour l’Union Européenne