Fédéchoses numéro 49 - 1985

APPEL AUX EUROPÉENS

La France et l’Europe ne sont pas encore sur la voie de la reprise. Il n’y a pas de plan, ni en France ni en Europe pour éliminer le chômage. Il n’y a pas de plan, qui ne pourrait être qu’européen, pour combler le retard vis à vis des États-Unis et du Japon. Ce sont là des faits connus. Tout le monde admet que la reprise est impossible dans le cadre national. Tout le monde admet que le degré actuel d’unité de l’Europe est insuffisant pour passer de l’union douanière agricole à l’union économique et monétaire, c’est-à-dire pour réaliser au définitif dollar, pour générer la reconversion [sic] industrielle, pour mener une politique vigoureuse de l’emploi et pour garantir tout cela par une présence effective de l’Europe dans le monde. Il faut donc reconnaître que ces objectifs ne peuvent être atteints sans l’Union européenne, c’est-à-dire sans un véritable gouvernement, de la Communauté, une monnaie commune et un budget approprié.

Grâce au projet du Parlement européen et à la prise de position du Président de la République française, l’Union est devenue un objectif pour lequel il est maintenant possible de se battre. Son sort est maintenant entre les mains d’un Comité composé des représentants personnels des chefs d’État et de gouvernement, qui a pour tâche de faire des suggestions. Cela signifie que les opérations qui préparent les décisions gouvernementales sont déjà en marche. En substance, le processus susceptible d’établir les modalités et le montant de la ratification du projet du Parlement européen, d’en réduire la portée ou de le réaliser est déjà enclenché.

Les enjeux sont d’importance. Mais du jour où le projet est passé des mains du Parlement à celles du Comité le silence s’est établi. La presse se tait, les forces politiques ne s’en occupent pas, l’opinion publique n’est pas en mesure d’exercer sa vigilance démocratique. On voit donc se profiler une situation absurde : c’est l’Europe qui est en jeu et il y a une majorité favorable à l’Union dans l’ensemble de la Communauté mais elle ne peut s’exprimer car elle ignore que se joue précisément une bataille décisive.

il existe pourtant un moyen de faire prendre conscience aux citoyens que leur avenir est en jeu, le leur et celui de leurs enfants, en leur permettant ainsi d’exercer une pression sur les gouvernements afin de défendre les forces du conservatismes national les plus rétrogrades qui cherchent déjà l’abandon du projet d’Union européenne ou à le vider de tout contenu novateur. Ce moyen c’est celui dont s’est toujours servi la démocratie dans des cas similaires : une mobilisation de masse pour amener tous les citoyens sur le terrain de la décision. Cette mobilisation de masse qui doit être promue avec le slogan "Un million de citoyens dans la rue pour l’Union européenne", est certainement possible si toutes les forces spirituelles, politiques, économiques et sociales qui se sont toujours déclarées en faveur de l’unité européenne y adhèrent.

Au printemps se tiendra en Italie la réunion du Conseil européen. Tous les organes d’information en rendront compte. Les fédéralistes s’engagent à organiser à cette occasion une manifestation de masse, comme ils l’ont déjà fait à l’occasion des grands tournants de la politique européenne. Ils invitent toutes les forces qui se sont déclarées en faveur de l’Europe et dont le destin est lié à son unité à un même effort de mobilisation. S’il est réalisé, le défi d’un million de manifestants sera atteint et l’Europe recevra une impulsion salutaire.