Le Parlement européen à l’épreuve de la vérité

, par Antonio Longo

Lors de la réunion du 19 juin le Conseil européen a opéré une rupture importante sur le plan de la nomination du Président de la Commission. Il s’est ainsi limité à citer, plutôt que nommer, José Manuel Barroso pour la période de 2009 à 2014, et a ouvert dans le même temps des discussions avec le Parlement européen pour vérifier “qu’il est en mesure d’approuver la désignation (de JMB) dans sa session plénière de juillet”. La différence de procédure par rapport au passé est décisive : alors qu’auparavant le Conseil nommait le Président de la Commission puis communiquait sa décision au Parlement pour qu’il la ratifie ou la rejette (en même temps que les noms des autres commissaires), aujourd’hui, le Conseil ne nomme pas d’emblée le Président de la Commission, mais attend une confirmation préventive de la part du Parlement sur le nom proposé. En substance le Conseil remet entre les mains du Parlement la décision effective sur le choix du prochain Président de la Commission. C’est comme s’il anticipait sur le contenu du Traité de Lisbonne qui prévoit dans son article 17.7 “tenu compte des élections au Parlement européen et après avoir effectué les consultations appropriées, le Conseil européen, délibérant à la majorité qualifiée, propose au Parlement un candidat au poste de Président de la Commission”.

Les conséquences politiques d’un tel changement sont évidentes. Si c’est le Parlement qui décide en ultime instance, il est clair qu’une logique politique forte pourra se mettre en marche autour du nom du prochain Président de la Commission européenne : la reconfirmation de Barroso (au delà du jugement que l’on peut porter sur son action) n’est plus escomptée ; divers groupes parlementaires (des Verts / ALE de Cohn-Bendit au groupe PSE (inclkuant dorénavant certains élus démocrates utaliens) et une bonne partie des libéraux-démocrates) ont annoncé une opposition à son égard et il n’est pas difficile d’imaginer qu’ils proposent un candidat alternatif (le nom de l’ancien Premier ministre belge Guy Verhorstadt, qui a guidé dans son pays une coalition libérale-socialiste, a été mentionné). Si ce processus se mettait en marche, le Parlement européen connaîtrait pour la première fois une réelle bataille politique, avec des programmes européens et des candidats alternatifs. Si celà avait été le cas avant les élections -comme les fédéralistes l’avaient demandé- et comme celà eut été juste selon les règles de la démocratie, nous aurions eu une élection européenne totalement différente. Les citoyens européens auraient compris que cette fois il y avait un enjeu : celui du “gouvernement de l’Europe” ; que leur vote allait servir à faire gagner une certaine Europe plutôt qu’une autre, et ils n’auraient pas déserté les urnes. Celà aurait été la naissance de la démocratie européenne.

Mais ce qui ne s’est pas passé auparavant peut encore arriver. Si le nouveau Parlement n’accepte pas passivement les indications du Conseil, mais revendique le pouvoir de représenter les peuples européens et réclame pour lui-même le droit de nommer le Président de l’exécutif (la Commission) : alors s’amorcera également la naissance de la démocratie européenne, le Parlement obtiendra une grande légitimité politique aux yeux des citoyens européens et pourra donc prendre en main d’autres questions décisives comme, par exemple, celle de la réforme du budget de l’Union européenne, aujourdhui limité à un ridicule 1 % du PIB européen, montant totalement inadéquat pour financer les investissements innovants dans la recherche scientifique, le secteur énergétique, l’environnement et les infrastructures, c’est-à-dire dans les secteurs stratégiques dont dépend l’avenir de l’Europe. Face à la crise économique, qui, à partir de l’automne prochain s’attaquera également à l’emploi, il faut répondre avec un véritable “programme européen d’investissements”, décidé par un exécutif européen, fort du soutien du Parlement européen, doté de ressources adéquates levées y compris en recourrant au marché des capitaux, par le lancement “d’obligations européennes” (utilisant la force de l’euro pour attirer des capitaux) afin de financer les projets de relance de l’économie.

Par conséquent, les gouvernements nationaux se sont jusqu’à présent montrés incapables de réformer l’Union européenne –d’abord en échouant sur le thème constitutionnel, puis en s’embourbant avec le Traité de Lisbonne- et ils se sont présentés en ordre dispersé dans l’action pour s’opposer à la crise économique internationale et ne se sont donc pas montrés efficaces. Il appartient à présent au Parlement européen d’assumer cette grande responsabilité. Personne ne peut dire aujourd’hui s’il sera à la hauteur de la tâche, mais il en a aujourd’hui l’opportunité. Le choix du prochain Président de la Commission européenne sera le véritable banc d’essai de sa capacité.

P.-S.

Antonio LONGO

Secrétaire national de du MFE italien – Directeur du Cercle culturel Altiero Spinelli de Milan

Traduit de l’italien par Jean-Francis BILLION