Hier encore Directeur de recherche au CNRS, Gérard Fuchs avait justement axé ses derniers travaux théoriques sur les différentes modalités d’ouverture des marchés et l’acceptabilité par les agents économiques de celle-ci.
Aussi constate-t-il que le capitalisme est parvenu à créer les outils technologiques de la mondialisation sans cependant être capable -ou vouloir- les mettre au service de tous. Là réside, pour Gérard Fuchs, l’essentiel de la tâche qui nous incombe. Il propose quatre orientations de base : développer des services publics pour satisfaire les besoins humains fondamentaux, construire une démocratie économique et sociale qui équilibre et fasse contrepoids à la seule propriété, reformuler le calcul économique pour qu’il prenne en compte les coûts sociaux et environnementaux, et, organiser un pilotage public des priorités de la recherche et du développement.
Actualisant à l’heure de la mondialisation la pensée d’Altiero
Spinelli (qu’il ne cite cependant pas), il pose le fédéralisme
comme principe de la démocratie internationale. Paraphrasant
quelques auteurs appartenant aujourd’hui à l’histoire, dépasser
le capitalisme (ce qui revient à construire le socialisme) n’est pas
– n’est plus ?- possible dans
un seul pays, France ou autre. Il s’agit donc pour Gérard Fuchs,
avec le fédéralisme comme principe d’organisation, de réaliser la
démocratie internationale. Retenant l’apport théorique de Marx,
Gérard Fuchs sait bien qu’une utopie ne peut se concrétiser en
projet viable que si –et seulement si- elle s’appuie sur des forces
sociales susceptibles de se mobiliser pour elle.
La deuxième partie de l’ouvrage est donc consacrée au repérage de toutes ces forces éparses à travers le monde, du mouvement ouvrier traditionnel aux forces multiples de la nébuleuse altermondialiste dans les pays développés, des paysans et acteurs du monde rural dans les PMA aux nouveaux urbains de toutes les grandes métropoles des pays du Sud, et de les faire converger. Il soutient que l’axe stratégique fondamental, tant au niveau national qu’a l’échelon international, c’est de faire coïncider en une même conscience individuelle (une personne) la qualité de producteur et de consommateur, et de faire travailler ensemble syndicats de travailleurs et associations de consommateurs.
Ceci le conduit à préciser la réforme des organisations européennes et internationales qu’il envisage pour réaliser cette démocratisation nécessaire, afin de conjurer définitivement le risque de guerre généré par le pillage capitaliste (comme la nuée porte l’orage, comme disait Jaurès !), et construire durablement la paix, suivant l’idéal fédéraliste de paix perpétuelle étudié il y a plus de deux siècles par Emmanuel Kant.
Les membres et amis de l’Action fédéraliste Socialisme & Liberté (AFSL) ne peuvent que se reconnaître dans l’exposé de Gérard Fuchs. Notre combat fédéraliste a toujours pris appui sur la ligne de clivage tracée par Spinelli dans le Manifeste de Ventotene entre progressistes et réactionnaires, et nous avançons à la fois au sein de l’Etat national français pour sa fédéralisation, au niveau continental européen pour transformer l’actuelle Union européenne en véritable fédération politique et, au niveau mondial, pour une refonte et la démocratisation du système des Nations unies. Ces trois flèches de notre action rejoignent les préoccupations de Gérard Fuchs.
Nous avons au cours de ces dernières années participé à de nombreuses activités alter mondialistes, notamment les FSE. Nous avons aussi contribué aux premiers pas du Forum progressiste mondial (FPM/GPF) initié par l’Internationale socialiste (IS), le Parti socialiste européen (PSE) et la Confédération syndicale internationale (CSI). Nous pensons, comme Gérard Fuchs, qu’avec ces divers forums et rencontres germe et chemine une force potentiellement féconde pour demain.
L’analyse rigoureuse de Fuchs est un outil pour la réflexion collective au service de la rénovation et/ou refondation des socialistes et sociaux démocrates, en France, en Europe et dans le monde.
Elle peut aussi fournir aux militants européens authentiques, aux mondialistes conséquents et à toutes celles et ceux qui, épris de justice, n’acceptent pas que les règles du marché soient les seules qui s’imposent, une argumentation et des propositions sans dogmatisme.
Maurice BRAUD-------