Des mondialistes persécutés en Iran

, par Didier Colmont

J’aimerais apporter ici un témoignage personnel, en écho aux articles récents parus dans la presse française sur les persécutions qui frappent, à nouveau, la communauté bahá’íe d’Iran, la plus importante minorité religieuse de ce pays.

Il peut sembler quelque peu incongru de parler d’une minorité religieuse dans les colonnes de Fédéchoses. Et pourtant… La religion bahá’íe, ni secte ni syncrétisme, enseigne à ses adeptes une foi sans faille en l’unité de l’humanité, qui se traduirait, dans le futur, par la création d’une fédération mondiale, d’un gouvernement mondial et d’un tribunal doté d’une force de police internationale. Il est intéressant de constater que l’ensemble des bahá’ís défendaient déjà ces idées qui nous sont chères dans les années 30 [1]. Aujourd’hui, la communauté bahá’íe jouit d’un statut consultatif auprès de l’ECOSOC, de l’UNICEF, de l’UNIFEM, de l’OMS et sa collaboration avec le PNUE, le HCR, l’UNESCO ou le PNUD ne date pas d’hier.

Mais il ne fait pas bon professer des idées trop progressives dans l’Iran d’aujourd’hui. Les responsables de la communauté bahá’íe d’Iran ont en effet récemment tous été arrêtés et incarcérés. Ces arrestations ne sont que le dernier épisode d’une longue série de persécutions qui ont débuté dès la naissance de cette religion, en Perse, en 1844. D’après le journal Le Monde [2], cette répression a pris ces dernières années la forme d’un fichage policier des fidèles, de harcèlements des enfants bahá’ís, pressés par leurs enseignants de renier leur foi, d’une incitation à la haine dans des organes de presse gouvernementaux, de profanations de cimetières et de détentions arbitraires. On pourrait aussi ajouter à cette liste l’interdiction pour les jeunes bahá’ís de faire des études supérieures.

La communauté bahá’íe n’a jamais caché sa sympathie pour le World Federalist Movement et les actions de ses branches nationales. J’en veux pour preuve l’engagement immédiat dans les années 90 des bahá’ís au sein de la coalition des ONG pour la création d’une Cour pénale internationale, coalition dont l’existence doit beaucoup au WFM. Je pourrais également citer mon cas personnel : bahá’í depuis près de 25 ans, je me suis engagé auprès des branches suisse et française du WFM immédiatement après en avoir appris l’existence, tellement les idéaux fédéralistes étaient proches de ceux de ma propre religion.

Que l’on soit croyant ou non, les événements récents d’Iran ne peuvent nous laisser insensibles. L’histoire semble en effet une fois de plus se répéter, en mettant en scène les tenants d’une conception du monde étriquée et intolérante et les partisans de la modernité et de l’ouverture. Gageons que les persécutions d’aujourd’hui ne constituent finalement que le baroud d’honneur des représentants de ces conceptions dépassées.

Notes

[1Shoghi Effendi, The World Order of Bahá’u’lláh, éd. Bahá’í Publishing Trust (1936).

[2« En Iran, la direction de la minorité bahaïe décapitée après une vague d’arrestations », Le Monde, 27 mai 2008.