Edito de Fédéchoses - N° 11 - Eté 1975

« Détruire à travers l’armée l’image de la Nation » (Michel Debré).

La crise qui bouleverse les Etats européens est fondamentalement causée par la fin de la période d’intégration économique de l’Europe et son manque d’unification politique. Les compétences fuient toujours plus des mains des gouvernements qui restent ainsi privés de pouvoirs effectifs et, au niveau européen, où les décisions devraient être prises, existent des eurocrates, irresponsables devant la population et pour cela privés de pouvoir.

Il est impensable que les Européens renoncent au bien être que leur a procuré le Marché commun et est également impensable un retour pur et simple au protectionisme. La contradiction de fond est donc destinée à durer jusqu’à la naissance d’un gouvernement européen et, jusqu’à un point, excepté le cas d’importantes modifications d’équilibre entre la Russie et les Etats-Unis, l’on peut prévoir que l’instabilité sociale et politique est destinée non seulement à continuer, mais encore à s’accroître.
Aujourd’hui toutes les formes de gouvernement européen semblent précaires. La vie politique se développe toujours plus en dehors des cadres politiques traditionnels : la crise que traversent les partis politiques n’est que celle des Etats nationaux dans lesquels ils sont structurés. Il est évident que, dans ce contexte, les possibilités, pour les fédéralistes, d’une action extraparlementaire, sont multipliées.
Une action contestataire, mais à étroit contenu fédéraliste, semble être celle contre le service militaire obligatoire.

La conscription obligatoire a toujours été l’une des armes les plus puissantes entre les mains de l’Etat national pour manipuler les consciences individuelles et transformer l’homme en un citoyen obéissant jusqu’au suprême sacrifice de la vie pour la Patrie.
On peut donc dire, du point de vue institutionnel, qu’existe un Etat là où existe une armée et vice-versa. C’est grâce à sa puissance militaire que l’Etat peut concrètement exercer sa souveraineté dans les rapports avec les autres Etats.

Remettre en cause l’amour de la Patrie dans les Etats continentaux européens c’est donc aussi remettre en cause le principe même sur lequel se fonde l’Etat national et les pouvoirs politiques existants. Pour nous, fédéralistes, la contestation du service militaire obligatoire doit devenir l’instrument pour contester la légitimité sur laquelle se fonde aujourd’hui la légitimité politique.