XXVe Congrès du World Federalist Movement Genève - 27 au 31 août 2007

, par Jean-Francis Billion

Le XXVe Congrès du Mouvement fédéraliste mondial (World Federalist Movement) s’est tenu dans les locaux de l’Organisation météorologique mondiale où plus de 160 délégués et observateurs venus de tous les continents et de 20 pays (Allemagne, Argentine, Belgique, Cameroun, Canada, Danemark, Etats-Unis, Finlande, France, Hollande, Japon, Grande-Bretagne, Inde, Iran, Italie, Madagascar, Mexique, Norvège, Nouvelle Zélande et Suisse) ont participé à ses travaux. Un certain nombre de sections existantes n’étaient pas représentées (République dominicaine, Suède, Ouganda, Népal, Sierra Leone…), pas plus cette fois que la JEF-Europe, alors que d’autres organisations (membres ou associées) sont en cours de création en particulier à Madagascar.

Le Congrès, après la réunion du Bureau exécutif, a abordé les réformes statutaires avant de poursuivre ses travaux en 4 commissions. Il a aussi été l’occasion d’un séminaire public, au siège des Nations unies, et d’une commémoration pour le 60e.anniversaire de la création du mouvement (et de l’U.E.F.) en 1947. Elle s’est tenue au Grand Hôtel Majestique de Montreux où sont intervenus la Présidente du WFM (la Sénatrice canadienne Lois Wilson), son Directeur exécutif (l’américain William R. Pace) et où ont été lus de nombreux messages de personnalités .

Le Congrès a, avec raison, repoussé deux réformes statutaires. La première visant à abolir (pour raisons organisationnelles et financières) les congrès et à les substituer par de simples réunions du Conseil (composé de représentants élus par le Congrès ou désignés par les organisations de base). La seconde proposant de réduire le Bureau exécutif à 5 membres (au lieu d’une dizaine) accompagnés de permanents salariés du Secrétariat international, dont le Directeur exécutif. En fin de course il a été décidé que les Congrès continueraient à se réunir tous les 4 ans (exceptionnellement tous les 5 ans) et le Conseil tous les ans. Il a également été acté que le WFM devrait à l’avenir avoir deux co-Présidents (avec si possible une répartition par genre et par grandes régions Sud et Nord du monde).

Puis le Congrès a alterné séances plénières et réunions des différentes commissions de travail sur les thèmes :
 1) justice internationale, règne de la Loi (Rule of Law) et droits de l’homme ;
 2) paix, sécurité humaine et prévention des conflits ;
 3) réforme des Nations unies et gouvernance mondiale, le fédéralisme aux plan mondial et régional ;
 4) environnement mondial, et gouvernance économique, gestion des biens communs et conséquences de la mondialisation économique et sociale.

Le Congrès a confirmé l’engagement du WFM dans deux campagnes internationales, tout d’abord celle pour la ratification du Traité instituant le Tribunal pénal international (TPI), ratifié actuellement par 105 Etats, et celle pour la Responsabilité de protéger, concernant l’action des Nations unies en direction des populations menacées de génocide.

Les commissions 1 et 4 ont discuté et adopté divers projets de résolution, dont plusieurs émanant de délégués membres de l’U.E.F. : 1 / en faveur de l’organisation d’un Nouveau Bretton Woods et pour un nouvel ordre économique international, incluant la proposition d’une unité monétaire mondiale (Alfonso Iozzo, membre du Bureau exécutif de l’U.E.F.-Europe, et Antonio Mosconi) ; 2 / de Roberto Palea (Turin) pour la création, sur le modèle de la CECA, d’une Agence mondiale de l’environnement, dotée de pouvoirs réels et financièrement autonome grâce à la mise en place d’une taxation sur le carbone dans les pays industrialisés ; 3 / de Peter Luff (de Federal Union, section britannique de l’U.E.F. et du WFM) pour la fondation d’une Communauté mondiale pour le climat basée sur la participation volontaire d’un groupe d’Etats. L’ensemble de ces textes a par la suite été approuvé, souvent à l’unanimité par le Congrès.

La Commission 3, sur la réforme de l’ONU et le fédéralisme aux niveaux mondial et régional (continental) a été la plus suivie et le lieu des débats les plus vifs. En particulier quand aux modalités de réforme du Conseil de sécurité. Ils se sont concentrés sur deux propositions de Lucio Levi (membre du Bureau exécutif et du Comité fédéral de l’U.E.F.) visant à le transformer, à terme, en une Chambre (Sénat) des grandes régions du monde, et de l’universitaire américain, Joseph Schwartzberg, visant lui aussi à une organisation régionale tenant compte non seulement de la population des Etats mais encore de leur PIB et de leur contribution financière au budget des Nations unies. Après de nouvelles discussions en séance plénière le Congrès a adopté un projet de compromis acceptable dans la mesure où il reprennait le principe de la représentation régionale au Conseil de sécurité, assorti d’une pondération des votes (comme dans l’Union européenne) mais sans référence aux modalités de son calcul. Il est regrettable que l’absence de traduction simultanée (durant la totalité du Congrès !) ait amené certains délégués à s’abstenir sur ce texte. J’avais auparavant eu l’occasion de m’insurger, de même que d’autres délégués, contre ce manque susceptible de brouiller les débats, en particulier vis-à-vis de l’importante délégation japonaise, après avoir provoqué l’annulation de la participation des délégués de la Fundación Federalista de la République dominicaine.

La dernière session du Congrès a été dédiée à la nomination des nouveaux organes de direction et à l’acceptation de trois nouvelles organisations associées : Planetafilia (Mexique), Democracia Global (Argentine) et Sapiens Movement (Nouvelle Zélande).

Ont été élus au Conseil : James Arputharaj (Inde), Keith Best (Royaume uni), Jean-Francis Billion (U.E.F., France), Edward Chobanian (Etats-Unis), Tony Fleming (Etats-Unis), Toshio Kozai (Japon), Lucio Levi (U.E.F., Italie), Peter et Rebecca Luff (U.E.F., Royaume uni), Tony Macel (Hollande), Francisco Plancarte (Mexique), Barbara Walker (Etats-Unis), Fergus Watt (Canada) et Lucy Webster (Etats-Unis).

Le Conseil a immédiatement coopté quelques nouveaux membres en son sein : Fernando A. Iglesias (Argentine), Peter Davidsee (Hollande), Takahiro Katsumi (Japon), Jean-Paul Pougala (Cameroun, du Mouvement fédéraliste africain) et Mahmoud Shariar Sharei (Iranien, vivant en exil). D’autres membres du Conseil sont, eux, nommés par les organisations, membres ou associées, au prorata de leurs effectifs, dont quatre pour l’U.E.F.-Europe (désignés par son Comité fédéral de l’U.E.F. de Munich en avril dernier).
Le Congrès a également élu le nouveau Bureau exécutif, composé de la Présidente Lois Wilson, du trésorier, Edward Chobanian, du Président du Conseil, James Christie (Canada), de ses deux adjoints, Lucy Webster et Mitsuo Miyake (Japon), du Président du Bureau exécutif, Keith Best (Royaume uni), du Président du Comité des statuts, Tony Fleming et de divers membres, Lucio Levi, Bente Nielsen (Danemark) et James Arputharaj. La Présidente Lois Wilson restera en place jusqu’à la prochaine réunion du Conseil qui devra procéder à la nomination des deux nouveaux co-Présidents.
Le Directeur exécutif, permanent nommé par le Bureau exécutif et en charge du Secrétariat international, reste William Pace, épaulé de deux bureaux permanents et divers salariés à New York et La Haye. D’autres bureaux, employant également des salariés, existent par ailleurs actuellement à Buenos Aires (Argentine), Bruxelles, Cotonou (Bénin), Mexico, Abuja (Nigeria), Manille (Philippines) et Sanaa (Yémen), mais sans liens avec les organisations locales et exclusivement en charge de l’action pour le Tribunal pénal international.

En parallèle au Congrès s’est tenue une réunion de la Campagne pour une Assemblée parlementaire auprès des Nations unies (UNPA), lancée mondialement en avril 2007 par le Comité pour des Nations unies démocratiques (KDUN, organisation associée au WFM) et animée par l’allemand Andreas Bummel. Depuis son Comité fédéral d’avril 2007, l’UEF-Europe soutient cette action dans laquelle sont engagées de plus en plus de personnalités et d’ONG, ainsi que divers Parlements (canadien, européen, et tout récemment pan-africain) sous le patronage de M. Boutros Boutros-Ghali, ancien Secrétaire général des Nations unies.

D’autres propositions intéressantes (renvoyées au Conseil) ont été discutées par le Congrès. Je veux parler de celle de Domenico Moro, Directeur de l’Institut Altiero Spinelli d’études fédéralistes, d’ouvrir davantage le Séminaire international de Ventotene aux fédéralistes mondiaux. Mais surtout de la suggestion de Lucio Levi de consacrer une partie de chaque Conseil à un Séminaire de discussion et de réflexion politique entre ses membres, sur le modèle des Council Chair Round Table, parfois organisées dans le passé, sous la responsabilité de James Christie. Ces débats politiques, devraient être réservés aux seuls responsables du mouvement, et non pas à des experts ou intervenants extérieurs. Cette proposition est intéressante car les membres du WFM manquent effectivementd’occasions et de temps pour confronter leurs points de vue et qu’ils ont en outre souvent des cultures associatives ou politiques différentes. Le temps nécessaire devrait être aisément trouvé en limitant les incessantes discussions statutaires qui ont accaparé l’attention ces dernières années et en généralisant, comme demandé par Fernando A. Iglesias, la traduction simultanée. Je souhaite, enfin, suite au Congrès de Genève, faire une remarque personnelle : de très nombreux participants méconnaissent très largement le mode de fonctionnement (et de vote) utilisé ce qui a provoqué tout à la fois pertes de temps et graves incompréhensions ; il est donc indispensable d’y remédier, soit en changeant de règles, soit en les rendant compréhensibles et connues du plus grand nombre.

Le WFM, et ses sections les plus anciennes, sont restés par la force des choses, de l’éclatement de la Guerre de Corée à la fin de la Guerre froide, dans un « monde politique virtuel », car le gel de la situation politique internationale rendait impossible tout progrès concret vers leur but final, la Fédération mondiale. Ils ont par contre gardé la maison et su maintenir et nourrir l’idéal. Durant de longues années, les fédéralistes mondiaux sont aussi demeurés très majoritairement une organisation anglo-saxonne, avec, au second plan, des organisations au Japon, en Inde, et dans quelques pays européens (principalement extérieurs au processus d’unification européenne). Aujourd’hui, le rapprochement (inachevé) entre le WFM et l’U.E.F.-Europe, la revitalisation de ses relations avec la JEF-Europe et le développement de nouvelles sections (en particulier en Amérique latine, où le WFM avait sombré avec la disparition du Movimiento pro Federación américana -MPFA- et de sa publication Nuevo Mundo dans les années 1970) rendent indispensables un effort de réflexion sur le plan du fonctionnement et une clarification de ses choix stratégiques.

Ce débat s’est d’ailleurs engagé, suite au Congrès de Genève et au compte-rendu qu’en a fait Nicola Vallinoto , Secrétaire adjoint du MFE italien, dans The Federalist Debate, lorsque, en conclusion il a écrit que le WFM est séparé en deux mouvements, l’un, “top-down”, du Secrétariat vers la base (et dont il reconnaît le rôle décisif dans la création du Tribunal pénal international), et l’autre, “bottom up”, des organisations de base vers le Secrétariat, menant leurs actions sans son soutien. A ces critiques, William Pace, a brièvement répondu en exprimant son désaccord ; il pense, lui, que les divisions du mouvement sont plus complexes, « multiples et multidimensionnelles » : approches « régionales » ou « mondiale », « maximalistes » ou « minimalistes » (quant aux pouvoirs de la Fédération mondiale), réforme des Nations unies ou Assemblée constituante, approche parlementaire (UNPA) ou « élections directes » (au Congrès des peuples), réforme ou bouleversement du Conseil de sécurité, (...) rôle des organisations de base, fonctionnement et nature (élitiste ou de masse) du mouvement lui-même.... Ces considérations, exactes d’un point de vue historique, se sont déjà estompées avec le temps. Je regrette que William Pace semble s’en satisfaire, lorsqu’il estime devoir poursuive tout à la fois autant de voies possibles... « en accord avec les politiques du mouvement et ses organes de direction », plutôt que de rechercher à son poste central à aider le WFM à les dépasser pour une plus grande lisibilité et efficacité.

Mon opinion personnelle, c’est que le WFM est aujourd’hui à un tournant de son histoire. Longtemps préoccupé de survivre, il a déjà su, en particulier grâce à William Pace et ses collaborateurs, prendre et conserver depuis plus de 10 ans un rôle central dans le combat pour la justice internationale en créant une Coalition mondiale de plus de 2500 ONG. Mieux, il s’est montré capable de travailler à sa tête tout à la fois avec les services ou agences des Nations unies, avec un nombre croissant « d’Etats partenaires » et avec les ONG pour imposer aux Etats récalcitrants, et plus particulièrement aux Etats-Unis, la création du Tribunal pénal international. Cette stratégie s’est révélée comme la meilleure et un tel schéma doit donc pouvoir être progressivement développé dans d’autres domaines que nous devons tout d’abord identifier.

Au-delà du nécessaire soutien à la création de fédérations régionales là où cela est aujourd’hui possible, les « projets » qui me semblent les plus susceptibles d’accorder « rapidement » au WFM un rôle central et un leadership de la société civile mondiale sont au nombre de trois :

 la gestion du risque climatique en harmonie avec la mise en place d’un développement durable ;
 la création d’une Assemblée parlementaire auprès des Nations unies (UNPA) et,
 la marche à une monnaie mondiale pour la création d’un nouvel ordre économique mondial.

Ces trois approches, ponctuelles, ont du reste été validées spécifiquement dans les principales résolutions du Congrès.

Pour être capable de saisir ces opportunités le WFM doit montrer sa capacité à effectuer des choix stratégiques prioritaires et se mettre en état de marche selon des règles et des procédures claires et comprises de tous. Le Bureau exécutif et le Secrétariat international doivent donc se se saisir d’urgence de ces questions, politiques et organisationnelles, et les soumettre au prochain Conseil, dès que possible en 2008.

P.-S.

Résolutions du Congrès WFM de Genève

Nous ne publions pas ici que deux des principales résolutions du Congrès de Genève.

Le lecteur intéressé pourra les trouver sur le site de l’UEF-France de même que d’autres informations, sur le WFM, ses programmes, sa structure et son financement.

Une Note de l’UEF-France spécifique y sera intégralement consacrée.
Fédéchoses adressera ce document à tous ses lecteurs qui lui en feraient la demande.

www.europe-federale.asso.fr

ou sur le site du WFM :
www.wfm.org