Citoyenneté européenne ? Un enjeu de crédibilité !

, par Ulrich Bohner, Ulrich Bohner

Nous sommes tous très fiers de nos passeports couleur bordeaux, sur lesquels figure en premier lieu l’inscription « Union Européenne », avant même la « République française ».
Mais qu’en est-il vraiment d’une citoyenneté européenne ?

Nos amis britanniques ont dû constater, à leurs dépens, qu’il n’en est rien. Il a suffi qu’un gouvernement national, certes basé sur une volonté faiblement majoritaire exprimée par référendum, décide de quitter l’Union européenne (UE) pour que les dizaines de millions de citoyens britanniques qui avaient voté contre le « Brexit » perdent du jour au lendemain non seulement leur passeport européen, mais aussi le droit de s’établir dans un des 27 États membres restants, et d’y voter aux élections locales et aux élections européennes. Et cela vaut même pour les Écossais, les Irlandais du Nord et les Londoniens qui souhaitaient, de façon majoritaire, rester européens.

Certes, les britanniques qui étaient fonctionnaires de l’UE, y sont restés, tous comme les Grecs lors de la sortie du Conseil de l’Europe en 1970 ou les Russes lors de l’exclusion de la Fédération de Russie de cette même organisation en 2022.

Nous avons donc raté l’occasion, pour le moment, de créer une véritable citoyenneté européenne, liée à la personne, et non pas à son État-nation, comme c’est le cas pour la nationalité dans nos États membres. Une telle citoyenneté contribuerait à fonder une véritable appartenance de chacun à un ensemble européen, un « demos », un peuple européen, une véritable identité européenne.

Certes, dans notre histoire, il y a toujours eu une partie de la population qui n’avait pas les mêmes droits que les autres. On se souvient de l’esclavage dans la Grèce et la Rome antique, de l’esclavage pratiqué par grand nombre de nos pays. Malgré la devise « Liberté – égalité – fraternité » inscrite sur le fronton de nos Mairies, nous avons connu aussi des situations iniques en France. On peut penser aux musulmans d’Algérie (pourtant « française ») qui étaient marqués comme « indigènes ». Dès 1940, le régime de Pétain a d’ailleurs rejeté les juifs dans la même catégorie, en annulant le « Décret Crémieux » de 1870 qui avait alors accordé la citoyenneté française aux quelque 130 000 israélites d’Algérie, contrairement aux musulmans. Alors que les musulmans étaient, eux aussi, appelés à servir dans l’armée lors de la 1ère Guerre mondiale. Et on ne saurait oublier qu’une bonne moitié de la population, les femmes, ont dû se battre en France pendant longtemps pour conquérir leurs droits civiques (1944), et encore plus longtemps pour conquérir une égalité des droits civils.
L’exemple britannique soulève aussi la question douloureuse de la « déchéance de nationalité ». C’est ainsi que certains citoyens britanniques se souviennent aujourd’hui du fait que leurs ancêtres, juifs notamment, avaient subi ce traumatisme de la part du gouvernement de l’Allemagne nazie, et qu’ils peuvent la retrouver aujourd’hui, restant ainsi citoyens de l’Europe des 27. En France, on a connu, début janvier 2016, sous la présidence de François Hollande, un douloureux débat sur l’éventualité d’une déchéance de la nationalité française, débat heureusement resté sans suite. Le souvenir de l’époque de Pétain était resté encore assez vif.

De son côté, l’UE renforcerait sensiblement sa crédibilité si elle réussissait à créer une véritable citoyenneté européenne qui ne dépendrait plus du bon vouloir de tel ou tel gouvernement national, mais serait attachée à la personne.

P.-S.

Ulrich Bohner est membre du Conseil d’administration de l’UEF France et de celui de Presse fédéraliste.