Au pied du sapin, le fédéralisme mondial

, par Théo Boucart

L’année 2022 a été riche en échéances électorales, notamment en France avec les élections présidentielles et législatives, mais également aux États-Unis avec les élections de mi-mandat. Alors que le Président Macron a rencontré son homologue américain Joe Biden à la Maison Blanche fin novembre, il serait temps que les États-Unis et l’Union européenne, parmi les autres acteurs mondiaux, se rendent compte que leurs propres échéances électorales ont des conséquences sur les citoyens du monde entier, et qu’il faut un moyen d’expression pour l’ensemble de la communauté internationale. En d’autres termes, un fédéralisme mondial doit être appelé de nos vœux, plus que jamais.

En tant que revue promouvant le fédéralisme sous toutes ces acceptions dans l’espace francophone, nous devons bien sûr éviter de nous cantonner au fédéralisme européen, le mieux (ou moins mal) connu. En l’occurrence, la création d’une gouvernance mondiale (autour de ce que l’Organisation des Nations Unies fait depuis la fin de la seconde Guerre Mondiale), prélude à un fédéralisme mondial, doit demeurer au cœur de notre réflexion.
Bien sûr, d’aucuns considéreront ce vœu comme étant ce qu’il est en ce moment : un vœu pieux. Il suffit, pour s’en convaincre, de regarder les atermoiements de l’intégration européenne depuis plusieurs décennies, en dépit des différentes crises que l’Union européenne (UE) traverse depuis 15 ans maintenant, et que nous ne faisons que relater, sans réellement agir. Si l’Europe n’arrive pas à accomplir le rêve des Pères fondateurs de l’Après-Guerre, comment le monde, marqué par tant de différences et d’antagonismes, peut-il adopter une structure de gouvernance efficace ? Cela reviendrait, à un moment ou à un autre, à forcer les États nations à abandonner une partie de leur souveraineté, chose absolument impensable à l’heure actuelle.
Ce saut ambitieux est pourtant nécessaire, tant les États nations sont aujourd’hui interconnectés par le truchement de la mondialisation, et tant les menaces auxquelles doivent faire face ces mêmes États nations et leurs citoyens ne connaissent pas les frontières. Ces dernières années, deux événements majeurs ont fait office d’électrochocs (vains, pour le moment, s’agissant de construire un fédéralisme mondial) : un de nature électoral : l’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis d’Amérique en novembre 2016 ; et l’autre de nature géopolitique : l’invasion de la Russie en Ukraine et la guerre qui s’ensuit jusqu’à présent.

L’élection de Trump, l’électrochoc

L’élection du président américain, a fortiori celle de Donald Trump en 2016, est un événement d’importance planétaire, comme en témoigne les multiples éditions spéciales dans les médias du monde entier, en particulier en Europe. Cette couverture médiatique exceptionnelle est révélatrice d’une chose : l’élection concerne les citoyens du monde entier. Or, les seuls à avoir un mot à dire sur cette élection, ce sont les Américains.
La présidence de Donald Trump a eu des effets considérables dans le monde, cela a créé un climat de violence dans une certaine impunité, cela a considérablement affaibli la lutte contre le changement climatique (même si ce n’est pas le seul fait des États-Unis) … Il faudrait donc trouver un moyen de canaliser ces sinuosités dans une structure de gouvernance mondiale où les grandes décisions ayant des conséquences planétaires seraient discutées au sein d’une assemblée mondiale.
Les États-Unis ne sont pas le seul pays à retenir le monde entier en haleine. La France a connu deux dernières élections présidentielles pour le moins agitées, les médias européens et mondiaux les présentant notamment comme un duel entre l’extrême-droite et le libéralisme, pouvant sceller l’avenir de l’UE, et ainsi, le cas échéant, provoquer un effet-domino d’instabilité dans le monde.
La visite du Président Emmanuel Macron à Washington en novembre dernier a montré que la diplomatie se faisait exclusivement entre États nations, les structures non traditionnelles comme l’UE étant absentes à ces moments-là. Pourtant, ces visites officielles ont aussi des conséquences pour des citoyens qui ne sont pas nécessairement français ou américains. Encore un argument en faveur d’un contrôle démocratique au niveau mondial.

La guerre en Ukraine, le deuxième électrochoc

L’élection de Donald Trump est une chose, l’agression russe de l’Ukraine en est une toute autre. Depuis fin février 2022, la Russie s’acharne à faire plier l’Ukraine, via tout un arsenal de moyens, parfois terroristes ; elle s’est retrouvée au ban d’une bonne partie de la communauté internationale, est exclue des compétitions sportives majeures et subit des sanctions européennes et américaines.
Bien malin celui qui dira avec certitude qu’une structure de gouvernance au niveau mondial aurait empêché avec certitude l’éclatement et la persistance de cette guerre. Néanmoins, aux côtés d’assemblées démocratiques mondiales dont l’idée a été évoquée plus haut, il faudrait aussi qu’un organe puisse faire office de médiation entre plusieurs États et dont les décisions soient coercitives et dissuasives. Une sorte de force mondiale de « gardienne de la paix », une Cour pénale internationale renforcée… les idées sont aussi nombreuses et à développer.

En toile de fond, l’apocalypse climatique

Les deux « électrochocs » susmentionnés se sont déroulés alors qu’une catastrophe planétaire menace l’humanité depuis plusieurs décennies : le dérèglement climatique et ses corollaires, l’augmentation des températures, la chute de la biodiversité, le déplacement forcé des populations qui s’accroîtra dans les prochaines années, parmi d’autres événements des plus inquiétants.
Le dérèglement climatique est, par excellence, l’événement qui ne connait pas les frontières. Le mode de vie polluant des pays « du Nord » a des conséquences dramatiques dans les pays « du Sud ». La destruction de l’Amazonie, une forêt que l’ex-président brésilien Jaïr Bolsonaro avait déclarée « sous souveraineté brésilienne » (et non pas mondiale), a des conséquences sur le climat aux quatre coins de la planète.
La gouvernance climatique mondiale mise en place sous l’égide de l’ONU depuis une trentaine d’année est assez complexe et laisse la part belle aux États nations, que ce soit dans l’organisation des COP ou dans la rédaction des rapports du GIEC. Une assemblée mondiale des citoyens pourrait jouer un rôle de premier plan pour faire contrepoids aux intérêts nationaux et à ceux des lobbies industriels, présents au-delà de leur place dans ce type d’événements.
Toutes ces considérations sont vaines si elles restent couchées sur le papier de ce présent billet d’humeur, imprimé dans ce présent numéro de Pour le fédéralisme-Fédéchoses. Laissons toutefois la période de Noël se dérouler pour rêver de la réalisation de ces idéaux de paix, de démocratie et de stabilité dans le monde.