Spinelli, un visionnaire, un bâtisseur

, par Pier Virgilio Dastoli

Pier Virgilio DASTOLI
Ancien Secrétaire général du Mouvement européen international et porte-parole du Forum permanent de la société
civile. Ancien chef de cabinet d’Altiero Spinelli au Parlement européen
Universitaire. Directeur du Bureau de la Commission européenne à Rome
Texte publié à l’origine sur le site de l’AFSL, Action Fédéralisme - « Socialisme & Liberté »

« Altiero Spinelli aurait célébré son centième anniversaire.
Il était né à Rome le 31 août 1907 mais ses origines étaient
du sud de l’Italie en partie des Pouilles et en partie des
Abruzzes.
Etant adolescent à l’arrivée du fascisme et ayant été
éduqué par son père aux valeurs de la démocratie et de la
solidarité, il a bientôt décidé d’engager son combat
politique dans le camp des jeunes communistes où il
devenu rapidement un des dirigeants. Il était passionné
plus par les questions de société que par l’idéologie du
parti dont sa sympathie pour Gramsci et son opposition à
Bordiga. Jeune étudiant en droit, il a été arrêté en 1927 par
la police de Mussolini, condamné par le Tribunal Spécial
et envoyé en prison pour 16 ans. Ses intérêts culturels et sa
vision de la vie l’ont amené à s’éloigner de la dure
discipline idéologique du parti communiste et c’est ainsi
qu’il en a été expulsé en 1937.
Dès cette année et jusqu’à 1943, le fascisme l’avait envoyé
aux confins dans la petite île de Ventotene où sa formation
culturelle s’est concentrée notamment sur les textes
économiques de Luigi Einaudi et les textes politiques des
fédéralistes anglais et américains.
Comme Jean Monnet à Alger, il était arrivé en 1941 à la
conviction que la démocratie aurait gagné sur le
totalitarisme mais que la paix aurait été solide sur le
continent à la condition de transformer les relations entre
les nations en un système fédéral.
Depuis lors, le Manifeste de Ventotene, écrit avec Ernesto
Rossi, est devenu un texte fondamental pour toute
réflexion sur les raisons qui sont à la base de l’unification
européenne.
Altiero Spinelli est entré à juste titre dans le Panthéon des
Pères de l’Europe avec Jean Monnet, Robert Schuman,
Konrad Adenauer, Alcide De Gasperi, Paul-Henri Spaak
en apportant au processus d’intégration sa contribution
originale.
A l’occasion de son centième anniversaire, il faut rappeler
en premier lieu le rôle d’éducateur qu’il a joué avec la
fondation en 1943 et l’animation du mouvement
fédéraliste permettant ainsi à des milliers des jeunes de
s’engager pour les valeurs de la liberté et de la démocratie
ainsi que le rôle de penseur et de formateur avec la
création de l’Institut des Affaires Internationales.
La partie la plus importante de son action et de sa pensée
est celle qu’il a laissée au sein des institutions
européennes. En tant que membre de la Commission
européenne de 1970 à 1976, il a conçu et mis en œuvre les
premiers éléments de politiques communes qui sont
aujourd’hui au centre de l’action de l’Union européenne :
l’environnement, la recherche, l’industrie, la culture.
En tant que député européen de 1976 à 1986, il a amené
l’Assemblée à assumer un rôle quasi-constituant en
adoptant à une très large majorité le projet de traité
instituant l’Union européenne.
Sans ce projet, aucun progrès vers une intégration
européenne plus démocratique et plus efficace n’aurait été
possible puisque toute les révisions des traités depuis
l’Acte unique jusqu’à celle qui est aujourd’hui sur la table
de la CIG se sont inspirées des éléments fondamentaux du
travail accompli en 1984 par le Parlement européen : le
principe de subsidiarité, le partage de compétences entre
l’Union et les Etats, la hiérarchie des normes, le pouvoir de
codécision, le renforcement du rôle de la Commission, les
droits fondamentaux et la citoyenneté européenne,
l’intégration différenciée...
Ainsi, nous devons rendre aujourd’hui un hommage
convaincu et reconnaissant au visionnaire et au bâtisseur
en nous engageant à poursuivre son action sur la voie de la
démocratie européenne ».