Introduction au dossier Crises de la démocratie, populisme, nationalisme, démocraties illibérales

, par Jean-François Richard

Crises de la démocratie, populisme, nationalisme, démocraties illibérales : le dossier de ce numéro va tenter de faire un point d’étape car le sujet est inépuisable.

Beaucoup croyaient après la chute des régimes communistes que la Démocratie avait triomphé. Désormais le terrorisme islamiste apparait comme le principal adversaire des démocraties libérales. Il n’est pas le seul puisqu’elles ont sécrété en leur sein un ennemi intérieur largement représenté par le populisme.
Les causes d’insatisfaction de nos sociétés sont facilement repérables : le chômage, l’insécurité, l’immigration, etc. Si on en impute la responsabilité exclusive aux institutions et aux élus, le débat devient impossible. Et le paradoxe aujourd’hui est que la démocratie organise elle-même le cadre politique de l’insatisfaction permanente via les élections.

Et si l’Europe n’est plus l’unique objectif dans le viseur des forces souverainistes, c’est surtout parce que leur cible principale est désormais la démocratie elle-même.
La démocratie libérale représentative est l’ADN de l’Europe, face à un monde de plus en plus gagné par l’autoritarisme. Face à la Chine, la Russie, la Turquie, le Brésil et des Etats-Unis de Donald Trump, le pouvoir d’attraction du modèle européen réside dans sa tradition démocratique.

Cependant, la démocratie en Europe ne se porte pas bien. Elle est contestée, menacée ou encore détournée. Les pouvoirs ont trop souvent ignoré la volonté des peuples, comme lors du référendum de 2005 en France ou de celui tenu par la Grèce en 2015. Il faut aussi tenir compte de ceux qui souhaitent redéfinir la démocratie dans un sens moins libéral. C’est le cas du Hongrois Viktor Orban, devenu à la faveur de la crise migratoire de 2015 le champion des extrêmes droites européennes. Il a mis en place un régime ultra-conservateur où la démocratie ne subsiste que de manière formelle avec des médias sous contrôle, un Parlement sans influence et une justice aux ordres. Les opposants sont intimidés et les valeurs traditionnelles ou religieuses instrumentalisées. Orban a été imité en Pologne. Matteo Salvini s’est imposé un temps en Italie séduite par ses postures d’homme fort.

Selon la division traditionnelle du monde entre démocraties libérales et régimes dictatoriaux, les démocraties illibérales occupent une sorte d’entre-deux.
Partout en Europe, même en Allemagne où l’extrême droite était très faible, la crise migratoire de 2015, puis les attentats djihadistes, ont encouragé les extrémistes à proférer des slogans anti-immigrés et islamophobe.
La Russie de Poutine a largement participé à la propagation de ces idées qui poussent les démocraties à remettre en cause la liberté d’expression et à exercer un contrôle sur Internet.

Les réseaux sociaux ne sont que le support de cette éclosion des propos racistes. Et le rôle de l’Internet dans la déstabilisation des démocraties représentatives traditionnelles est attesté dans l’émergence éclair des Cinq Etoiles en Italie. Mais les élites traditionnelles doivent s’en prendre à elles même, pour faire face au discrédit qui les frappe. Elles ont été incapables de prévenir la crise financière de 2009, elles sont désormais incapables de faire face au gouffre qui se creuse entre les urbains surtout préoccupés par les menaces environnementales et des minorités rurales se sentant abandonnées, loin de la mondialisation et de ses retombées.

Le fédéralisme hamiltonien dont l’équipe de Fédéchoses a toujours été un ardent défenseur propose une forme de fédéralisme devant limiter le pouvoir des États fédérés et augmenter les droits des citoyens. Il peut être un début de réponse dans le débat qu’ouvre notre dossier.