Au courrier des lecteurs

Après les attentats de Bombay Appel pour une vraie citoyenneté et diplomatie européenne pour tous

, par Arielle Rouby

30 Novembre 2008 sans identité…

Plus de 16 ans après le Traité de Maastricht et la mise en place de la citoyenneté européenne, on aurait pu espérer que tout citoyen de l’Union puisse au moins bénéficier, après avoir perdu son passeport dans les attaques terroristes à Bombay, de la protection diplomatique et consulaire de son pays ou d’un autre Etat membre. Ressortissante de deux Etats fondateurs de l’Union, la France et l’Allemagne, j’imaginais que ma protection serait assurée : malheureusement les 26, 27, 28 et 29 novembre derniers à Bombay, la situation fut toute autre…

Fonctionnaire du Parlement européen, je suis partie en Inde le 23 novembre avec la délégation officielle afin d’étudier de plus près les relations commerciales de l’Inde avec l’UE dans le cadre des négociations du Cycle de Doha.Le 26 novembre, vers 9 h. 45, à quelques minutes du début de la fusillade, j’ai quitté le Taj Mahal Hôtel sans mon passeport allemand… Ayant échappé aux attaques, je pensais naïvement à l’aube du 27 novembre que le principal était d’être saine et sauve… Mais j’ai appris en quelques heures que d’être en vie est une chose, avoir droit à une protection diplomatique en est une autre…

L’Europe, quel numéro de téléphone, quand on a besoin d’aide en tant que ressortissant de l’UE ?

J’ai passé la nuit dans un restaurant avec des parlementaires européens et des collègues non loin des tirs et bombes. Faisant partie d’un groupe venant de six Etats membres de l’Union européenne, on aurait pu espérer que l’un d’entre-eux serait venu nous chercher et aider ceux qui étaient encore dans le Taj Mahal hôtel. Toute la nuit, nous avons essayé de contacter nos ambassades respectives et étions en permanence en contact avec la Représentation permanente de la Commission européenne à New Dehli. En vain…

Européenne convaincue, j’ai dû admettre que l’UE n’existe qu’à Bruxelles et Strasbourg - pire encore : qu’aucune coopération diplomatique entre les Etats membres n’était envisageable ni même une action altruiste… A l’aube, seul le Consul d’Allemagne est venu chercher ses propres ressortissants, les autres ont dû attendre encore quelques heures avant de pouvoir être pris en charge par des Etats non fondateurs, espagnols et hongrois – et cette fois-ci sans discrimination de nationalité.

L’Europe, quel numéro de téléphone pour obtenir un passeport ?

Au-delà du stress émotionnel et de la peur que l’on peut avoir pendant une attaque terroriste, ma plus grande bataille fut celle de l’obtention d’un passeport.

Ayant rencontré le Consul général d’Allemagne cette nuit là je lui ai fait part de la perte de mon passeport. M’étant assurée qu’une photo électronique lui soit envoyée je pensais que mes problèmes de papiers pourraient être résolus sous peu. Puis, j’apprenais par le représentant du Consulat français qu’en aucun cas la France ne pourrait me donner un passeport français pour la simple raison que j’étais rentrée en Inde avec un passeport allemand. Ce qui ne me semblait pas encore problématique allait le devenir quelque 30 heures plus tard…

Vendredi 28 novembre j’apprenais que le Consulat allemand n’avait pas encore fait mes papiers. D’une part je n’en avais pas fait de « demande officielle » et d’autre part, que j’avais une autre nationalité de l’Union. Le Consul lui-même m’indiqua que je devais faire 4 photos d’identité (car la photo électronique du Parlement ne suffisait pas), passer signer au Consulat des papiers et enfin aller à la police pour obtenir mon visa de sortie. Tout cela bien sûr par mes propres moyens au cœur de cette ville étrangère qui était toujours sous les mains des terroristes… Aucun autre consulat n’avait exigé à l’un de ces citoyens de mettre sa vie en danger et de se déplacer dans Bombay pour obtenir des papiers ! Dans la mesure où il m’était impossible d’accéder au consulat qui se trouvait dans la zone barricadée par la police et les terroristes, et désemparée par la bureaucratie de l’un de mes Etats je me tourne vers l’autre : La France.

Le Consulat français à ce moment réitère sa réponse en me disant qu’ils ne peuvent rien pour moi, car je suis rentrée avec un passeport allemand. Cela fait presque quarante-huit heures que j’étais dans l’insécurité, sans bagage et dans ma robe du mercredi soir. Désespérée je téléphone à mon employeur : le Parlement européen. La situation se débloque grâce à un appel téléphonique du Parlement au Ministre des affaires européennes français… Mais jusqu’au dernier moment j’étais sans papier, sans même un « laisser-passer », et dans l’incertitude de pouvoir rentrer en Europe. A 23 heures le vendredi 29 novembre, je reçois finalement un passeport de l’un de mes Etats d’origine… et enfin à 2 heures du matin le samedi 30 novembre je passe tous les contrôles indiens pour embarquer avant de décoller enfin pour l’Europe…

Appel pour une vraie citoyenneté et diplomatie européenne pour TOUS !

Si je n’avais pas fait partie du personnel du Parlement européen et ainsi eu la possibilité de faire pression au plus haut niveau politique pour obtenir un passeport, je serai peut-être encore aujourd’hui en Inde et en train de me battre contre la bureaucratie de deux Etats fondateurs de l’Union.
Mon témoignage montre que nous sommes bien loin de l’existence d’une véritable citoyenneté et d’une diplomatie européennes. J’avais l’impression d’être dans le meilleur des cas dans l’après guerre, car ni la France et ni l’Allemagne n’étaient capables de me donner un passeport alors que j’ai la double nationalité… ils se contentaient de se renvoyer la responsabilité…
Voici donc mon appel de citoyenne : combien d’attentats terroristes dans le monde faudra-t-il pour que l’Union mette en place une véritable citoyenneté européenne comme elle s’y est engagée il y a 16ans ? Donnez-nous un numéro pour appeler l’Union européenne.