Bicentenaire de la naissance de Pierre-Joseph Proudhon

, par Maurice Braud

L’année 2009 a vu, en France et ailleurs, de nombreuses manifestations et publications visant à commémorer ou à examiner la vie et la pensée du philosophe bisontin Pierre- Joseph Proudhon (PJP), né à Besançon le 15 janvier 1809 et mort à Paris (Passy) le 19 janvier 1865.

Colloques et manifestations

Parmi les manifestations "proudhoniennes" qui ont émaillé l’année 2009, il faut commencer par celles qui ont eu lieu dans sa ville natale, Besançon.

Dès début janvier 2009, à l’anniversaire exact de la naissance de PJP, la Ville de Besançon, l’Université de Franche-Comté et plusieurs autres institutions ont organisé, dans le cadre des "Célébrations nationales 2009", un colloque sur « Proudhon lecteur des philosophes ». Après des séminaires et travaux antérieurs sur la lecture par Proudhon des économistes puis auteurs juridiques, l’objet de ces deux journées étaient de faire un point détaillé sur la lecture par Proudhon des philosophes, de l’Antiquité au XIXè siècle. Vivant en un siècle où l’imprimé n’était pas si fréquent ni si bon marché qu’aujourd’hui, Proudhon recopiait des passages entiers de ses lectures avec ses appréciations personnelles.

Ces "carnets" sont une source précieuse pour suivre l’élaboration de la pensée de PJP, et leurs publications toujours envisagées mais jamais encore pleinement réalisées sont assurément un objectif auquel les chercheurs et acteurs travaillant ou intéressés par la pensée de Proudhon doivent s’attacher.

Besançon fut aussi le théâtre du grand colloque international qui, en fin d’année 2009, fut comme l’écho du grand colloque du centenaire du décès de Proudhon tenu en novembre 1965 à Bruxelles et dont les actes sont encore recherchés par tous les amateurs atteints de proudhonite aiguë. Les collectivités territoriales (Ville de Besançon, Conseil régional de Franche- Comté, Conseil général du Doubs) et les institutions académiques locales (Université de Franche-Comté et Maison des Sciences de l’Homme Nicolas Ledoux) ont en effet organisé un colloque de grande qualité où non seulement les chercheurs et universitaires eurent l’occasion de faire le point sur des aspects précis du parcours et de l’oeuvre de PJP, mais où les allersretours avec des mouvements sociaux contemporains importants de la région (Lip, bien sûr) et l’échange avec les Bisontins d’aujourd’hui ne furent pas non plus négligés. Nous ne doutons pas que les actes à venir de ce grand colloque des 15-16 octobre 2009 feront, eux aussi, à près de 45 ans de distance avec le colloque de Bruxelles, date dans les études proudhoniennes ! Plusieurs manifestations sur l’oeuvre de Proudhon se sont aussi tenues en région parisienne. Le 29 septembre 2009 se tint à la Bibliothèque nationale de France (site François Mitterrand, Grand auditorium) une journée d’étude "Proudhon ou quel socialisme ?" dont l’objet n’était pas à proprement parler d’ouvrir des chantiers nouveaux aux études sur Proudhon mais plutôt d’affirmer la présence et l’intérêt des travaux sur Proudhon dans un des "temples" de la connaissance parisienne. La présence de Jacqueline Lalouette, de Régis Debray et de Pierre Ansart au programme de cette journée assurant d’emblée un minimum de rayonnement à l’entreprise.

Enfin, l’année 2009 s’est achevée pour les proudhoniens par le colloque international annuel de la Société P.J. Proudhon le 5 décembre 2009 à Paris sur cette thématique pour nous centrale : "La question fédérale : le retour ? ", avec notamment Pierre Ansart ("Proudhon, la Révolution de 1789 et le problème de la Fédération"), Michel Herland ("le fédéralisme économique : de Proudhon aux proudhoniens"), Raimondo Cagiano de Azevedo ("L’Italie fédéraliste"), sans oublier Ramon Maiz ("Théorie du fédéralisme multinational"), pour les auteurs déjà bien connus des fédéralistes et proudhoniens. mais aussi des communications de jeunes chercheurs ou militants qui aujourd’hui contribuent diversement mais largement au renouvellement des études sur l’oeuvre de Proudhon tout en nous interpellant pratiquement dans notre engagement et nos convictions fédéralistes : Samuel Hayat ("Fédéralisme et problème des nationalités"), Jorge Cagiao y Conde ("Penser la sécession pour penser le fédéralisme"), Fawzia Tobgui ("Le fédéralisme suisse, convergences et divergences avec le projet proudhonien") et Nenad Stojanovic ("Fédéralisme centripète et fédéralisme centrifuge : la Suisse, la Belgique et la vision de Proudhon"). Comme tous les ans, le colloque de la Société PJ Proudhon fait l’objet d’une publication, les amateurs et curieux pourront ainsi dans quelques mois avoir accès à ces travaux passionnants.

Les études proudhoniennes aujourd’hui

Cette efflorescence de colloques, journées d’étude et séminaires en 2009 n’est pas le fruit de la seule génération spontanée et de l’opportunité académique qu’offrent les anniversaires. Il faut y voir aussi le travail déterminé et organisé de quelques (rares alors) universitaires et militants qui, au début des années 80 et fort modestement, lancèrent -à côté du séminaire "Atelier Proudhon" animé par Rosemarie Ferenczi à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS)- une petite société savante, la Société P.-J. Proudhon. Nous étions alors peu nombreux à fréquenter chaque semaine le chalet de bois que l’EHESS louait rue de la Tour, à deux pas du lieu où mourut en 1865 Pierre- Joseph Proudhon !

Rosemarie Ferenczi, Bernard Voyenne, avec le concours du Professeur Jean Bancal puis de Pierre Ansart, quelques militants fédéralistes (Henri Cartan, Claude-Marcel Hytte), syndicalistes (Jacques Langlois) ou enseignants (Chantal Gaillard) sont à l’origine de cette modeste société à laquelle s’agrégèrent très vite de jeunes philosophes à l’aube de leurs carrières universitaires, pour certains élèves de François Chatelet, et actifs en ces années ou un peu plus tard au Collège international de philosophie (dans le désordre : Patrice Vermeren, Jean-Paul Thomas, Georges Navet, Patrick Cingolani, Eric Lecerf,…). Plus récemment, de jeunes chercheurs ont rejoint la société et élargi encore son audience (Olivier Chaïbi, Samuel Hayat, Fawzia Tobgui,…). Il n’est pas possible ici de citer toutes celles et tous ceux qui ont apporté leur concours à cette entreprise intellectuelle à côté des présidents passés (Jean Bancal et Pierre Ansart) ou actuel (Georges Navet), mais il faut particulièrement citer (et remercier) Rosemarie Ferenczi, véritable accoucheuse, sans qui rien de cette aventure n’aurait pu se développer, et notre (regretté) ami Bernard Voyenne dont la connaissance joviale et encyclopédique de Proudhon ravissait jusqu’à l’énervement.

Cette société savante a une autre caractéristique : elle a su accueillir et donner une place aux militants et à celles et ceux qui considèrent, comme Proudhon, que le travail de la pensée devient stérile s’il ne se nourrit pas de l’action dans la cité et dans le monde. Aussi, avec et parmi les personnalités déjà citées, il faut y adjoindre les nombreux militants anarchistes, libertaires ou fédéralistes, actifs dans de nombreuses organisations syndicales, politiques et civiques.

Trente ans plus tard, l’écroulement de la pensée communiste dogmatique aidant, la nécessité de penser et de construire des alternatives à un présent misérable ou trop terne demeurant, la pensée de Proudhon retrouve incontestablement une forme d’actualité. C’est pour cela que 2009, plus que l’apogée d’une entreprise signale un commencement.

P.-S.

Publications 2009

L’année 2009 a permis l’édition, la réédition d’oeuvres de Proudhon comme de travaux plus ou moins critiques sur lui. Parmi ceux-ci, nous avons plus particulièrement sélectionné :

  • Pierre-Joseph PROUDHON, Qu’est-ce que la propriété ?, coll. Les classiques de la philosophie, éd. Le Livre de poche 2009 (édition préparée et annotée par Edward Castleton) ;
  • PJP, La pornocratie, Editions de L’Herne, coll. des « Carnets », Paris 2009 ;
  • Anne Sophie Chambost, Proudhon : l’enfant terrible du socialisme, éd. Armand Colin Editeur, Paris novembre 2009 ;
  • Archives proudhoniennes 2009, Bulletin annuel de la Société P.-J. Proudhon, Paris décembre 2009 ;
  • PJP, Liberté, partout et toujours, textes choisis, ordonnés et présentés par Vincent Valentin, éd. Bibliothèque classique de la liberté, Editions Les Belles lettres Paris 2009
  • PJP, La célébration du dimanche, Editions de L’Herne, coll. des « Carnets », Paris 2010 (à paraître).