Les citoyens français plébiscitent la réforme de la gouvernance européenne

, par Jean-Guy Giraud

Le Ministère de l’Europe (et des Affaires étrangères) vient de mettre en ligne le résultat des « Conférences régionales sur l’avenir de l’Europe » préparatoires à la Conférence (européenne) sur l’avenir de l’Europe.
Le Gouvernement s’est officiellement engagé à « transmettre » les conclusions de cette consultation lors de l’étape finale de la Conférence – même si « elles ne correspondent pas nécessairement aux priorités définies par le Gouvernement ».
Nous laissons le lecteur (patient…) découvrir ce long et complexe document dont nous ne retiendrons que les éléments relatifs au thème de la gouvernance européenne, c’est à dire à la capacité de l’Union à mettre effectivement en œuvre les progrès et les réformes souhaités par les citoyens.

La surprise de la gouvernance

Notons tout d’abord – et c’est une surprise – que ce thème est le plus plébiscité (avec celui de l’information sur l’Europe) par les citoyens :
« Les deux thèmes les plus plébiscités par les citoyens français sont le fonctionnement des institutions et la communication et l’information sur l’Europe. »
Plus précisément :
« Le fonctionnement des institutions est un thème (plus) complexe, impliquant pour certaines propositions une révision des traités.
Néanmoins, il reste structurant aux yeux des citoyens, qui déplorent unanimement la complexité́ des institutions dans lesquelles ils ne se reconnaissent pas.
Les citoyens ont par ailleurs noté qu’existaient des procédures de révision simplifiées permettant de modifier des dispositions sur le fonctionnement de l’Union européenne à l’aide d’une majorité́ simple.
La réforme des institutions de l’Union européenne est ainsi une priorité pour les participants, qui y voient la condition nécessaire pour que l’Union se rapproche de ses citoyens. »

Les réformes de gouvernance

Dans le détail, les propositions de « changements » permettant une « gouvernance plus efficace » sont listés à la page 62 du document et concernent notamment :
• les modalités d’élection du PE et son droit d’initiative législative,
• la prise de décision à la majorité qualifiée sur les questions essentielles,
• la nomination d’un Président unique de l’exécutif,
• la promotion d’actes de coopération renforcée.

La suppression de l’unanimité

Sur la question clé du vote à la majorité qualifiée, le rapport note :
« Il a ensuite été proposé que le système de vote à l’unanimité soit remplacé par un vote à la majorité qualifiée pour les décisions relevant de ces domaines.
Les experts présents lors de la conférence nationale ont indiqué que ce mode de décision [à la majorité qualifiée] existait déjà mais était relativement peu mis en œuvre, ce qui a conforté les citoyens dans la formulation et la priorisation de ce changement.
Ils y voient ainsi un moyen de rendre la gouvernance de l’Europe plus efficace en évitant les paralysies potentielles liées à l’unanimité. »

La surprise sur l’élargissement

Notons aussi – et c’est une autre surprise – cette préconisation sur l’élargissement (P.64) : « Ralentir l’élargissement de l’Union européenne tant qu’il n’y a pas de projet politique cohérent abouti ».

Le décalage avec la Commission

Visiblement surpris par l’importance donnée par les citoyens au thème de la gouvernance, les auteurs du rapport soulignent (malicieusement ?) que ce thème « ne figure pas dans l’agenda stratégique 2019-2024 de l’Union européenne proposé par la Présidente de la Commission, Ursula von der Leyen. »
Ils prennent acte du fait que « le fonctionnement des institutions (et la communication sur l’Europe), vus comme cruciaux par les citoyens des conférences régionales, ne sont pas identifiés comme des priorités stratégiques par l’Union européenne ».

Vers une « fédération d’Etats d’Europe »

Plus largement, les rapporteurs estiment que :
« les citoyens penchent vers une fédération d’États d’Europe dotée de compétences fortes dans des domaines d’intérêt commun.
Le choix d’une fédération d’États d’Europe traduit selon les citoyens l’objectif de renforcer les compétences partagées et/ou exclusives de l’Union, sans pour autant tendre vers un État fédéral. »

La balle dans le camp du… triptyque France/Allemagne/Italie

Il reste à présent à voir si ces aspirations des citoyens français sur cet aspect particulier de l’« avenir de l’Europe » correspondront aux souhaits exprimés par l’ensemble des citoyens consultés au sein de la Conférence européenne.
Ou si, au contraire, les gouvernements et la Commission réussiront à exclure la question de la gouvernance du débat public – se réservant de traiter (ou pas) ce thème (délicat) entre les seuls responsables officiels nationaux et européens.
Sur ce point, les positions de trois gouvernements en particulier – ceux du triptyque France/Allemagne/Italie – seront déterminantes.