Éditorial

« Machin européen » ou Fédération européenne ?

Nous revenons suffisamment dans ce numéro sur la Présidence française de l’Union européenne… pour ne pas nous appesantir ici sur ses résultats. Pourtant, dans un premier temps, nous avons été tentés de dénoncer le chœur dithyrambique qui a, même au Parlement européen (à l’heureuse exclusion de Daniel Cohn-Bendit), tressé des couronnes de lauriers à Nicolas Sarkozy. Nous ne sommes pas de ses thuriféraires mais sommes prêts à reconnaître que Sarkozy n’est pas seul responsable, même si le bilan du Sommet européen peut être qualifié de « calamiteux » (comme en juin 2007, cf. « Juin 2007, encore un Sommet calamiteux : passons… et continuons le combat ! », éditorial N° 136, 2007) tout particulièrement en ce qui concerne la préparation des élections européennes et la ratification du Traité de Lisbonne.

Notre approche sera donc plutôt de dénoncer le « Machin » européen qu’il a présidé six mois de manière intérimaire, plus que le personnage.

Qui ne se souvient du qualificatif, peu affable, de « Machin » dont de Gaulle avait affublé en 1960 les Nations unies ? Même si d’après André Lewin (ancien porte-parole du Secrétaire général de l’ONU, ancien haut responsable du Quai d’Orsay) cette réflexion n’exprimait pas à elle seule le fond de sa pensée.

Nous ne sommes pas non plus des thuriféraires obtus du Général, mais nous revendiquons avec force le qualificatif de « Machin », pour l’ONU, mais aussi pour l’UE (même si celle-ci plus aboutie [mais viciée par la logique intergouvernementale et émasculée par 27 droits de Veto… en attendant mieux !!!] possède déjà quelques caractéristiques pré-fédérales, comme le Parlement européen -représentant élu du Peuple européen, ou la Banque centrale européenne).

 « Machins » pour signifier « Ligue d’Etats souverains », c’est-à-dire organismes internationaux congénitalement inaptes à régler durablement les questions internationales et les différends entre Etats. D’autres l’ont illustré avant nous : que l’on se réfère à Emmanuel Kant, aux pères de la Constitution américaine, ou, plus près de nous, à des auteurs fédéralistes comme Proudhon, Clarence Streit, Altiero Spinelli, Michel Mouskhély, Mario Albertini ou tant d’autres…

 « Machins », pour dénoncer ces créations de la logique intergouvernementale incapables de dompter l’anarchie internationale et de gouverner démocratiquement la mondialisation politique, économique, écologique…

Jean Monnet avait l’habitude de souligner que si les hommes politiques doivent prendre des initiatives, seules les institutions permettent de les mettre en forme et de rendre pérennes leurs rêves. A ce sujet, quels que soient l’énergie de Sarkozy et les résultats apparents de la Présidence française, deux faits nous paraissent avérés :

 on ne peut faire progresser l’UE dans la voie de l’unité politique fédérale (seule garantie du caractère irréversible de l’unification européenne) en se contentant d’espérer que, de temps à autre, « un frelon dans le bocal intergouvernemental » déborde d’activité ;

 d’autre part, Nicolas Sarkozy, n’est pas disposé à abandonner la logique intergouvernementale et à accepter le jeu de la démocratie internationale. Il affirmait déjà en juin 2007, alors que le Conseil européen avait enterré les travaux de la Convention européenne, que « …On revient à la logique des traités. Cela signifie que tout l’acquis communautaire est préservé, et cela veut dire aussi que le Compromis de Luxembourg reste en vigueur. Il permet, depuis que le Général de Gaulle l’a imposé en 1966, à tout Etat membre d’imposer son veto à toute décision qui mettrait en cause ses intérêts fondamentaux ». Dont acte.

« Encore un sommet calamiteux : passons… et continuons le combat ! », au-delà de la ratification nécessaire du médiocre Traité de Lisbonne, jusqu’aux Fédérations, européenne et mondiale.

Pour un engagement de l’Union européenne pour la paix au Moyen-Orient

Regretter et condamner les combats entre Israël et le Hamas à Gaza ne suffit pas. Les vœux pieux et les condamnations verbales n’ont pas empêché 60 ans de guerre au Moyen-Orient. Rappeler que nous avons depuis longtemps demandé la création d’un Etat palestinien viable (Cf. Edito de Lucio LEVI, Fédéchoses, N° 30, 2, 1980), non plus !

Une garantie internationale crédible est aujourd’hui nécessaire : garantie de sécurité et de paix pour les Israéliens et les Palestiniens, sans exclusive. Les Etats-Unis ne sont pas crédibles seuls pour l’apporter ; l’UE, pas encore,car elle devrait parler d’une seule voix et donc se doter d’un gouvernement fédéral.

Dans l’immédiat, l’Union européenne doit :

 envoyer, ou diriger, une force d’intervention, comme au Liban, capable de faire respecter une trêve durable et degarantir la sécurité de tous ;

 avoir une Présidence stable lui permettant de s’exprimer durablement d’une seule voix et de prendre l’initiative, dans le cadre des Nations unies, d’une Conférence internationale pour la paix au Moyen-Orient.

A terme, l’UE doit également se doter d’un gouvernement fédéral et de ressources propres, afin de favoriser un processus d’intégration économique et politique au Moyen-Orient, seule voie de paix pour tous les peuples de la région.

C’est ainsi que les Européens ont pu se réconcilier et progressivement mettre en œuvre, trop lentement depuis un demi-siècle, l’unité européenne.

Fédéchoses