Dans cette dernière (« the last but not the least ») livraison de Fédéchoses, à l’occasion du centenaire de sa mort, nous nous sommes fait l’écho du « grand Jean Jaurès », notamment à travers son discours prononcé à Lyon Vaise peu de temps avant l’explosion de la grande boucherie de 14-18, déclenchée par le système européen des Etats-nations qu’il dépeint et dénonce fort justement. Egalement quelques jours seulement avant son assassinat par un jeune nationaliste ce qui, surtout en ces temps de violence sectaire, aurait pu suffire à nous le rendre sympathique… Sa lutte pour la paix ne fut pas son seul (et) juste combat et nous aurons l’occasion de revenir sur ses engagements en faveur des langues régionales, de l’Occitanie (qui ne portait pas encore ce nom), de la régionalisation, voire du fédéralisme, avec un article de l’éditeur et écrivain occitaniste Jordi Blanc (éditions Vent Terral) dans notre prochain numéro.
Le combat fédéraliste est indissociable, il va de la commune au monde…
Les fédéralistes, qui luttent par définition contre la « souveraineté absolue des Etats nationaux » qui prétendent représenter la forme d’organisation parfaite et définitive, quasiment sacrée, de l’organisation de la société humaine ne sont pas naïfs au point de croire ou prétendre que la paix mondiale soit séparable de la justice, économique, sociale et internationale. Ils savent au contraire que la paix et la justice vont de pair et sont inséparables. C’est ce qui explique leur combat à la tête de la Coalition des ONG et de de la société civile pour la Cour pénale internationale (CPI) sur laquelle nous revenons, malgré ses imperfections, dans ce numéro, de même que la place qu’y accorde traditionnellement notre revue.
Les fédéralistes (bis repetita) « qui luttent par définition contre la souveraineté absolue des Etats nationaux », cause originelle, mais souvent occultée, de la guerre, ont également été placés devant un dilemme face au récent referendum écossais sur l’indépendance (relire ci-après l’article de Yves Pagès, de 1976). La légitime aspiration d’un peuple à l’auto-gouvernement doit-elle aller jusqu’à l’acceptation du statut d’Etat national avec tout ce qu’il comporte, notamment la capacité de diviser le genre humain et de « faire la guerre », seule solution de résolution des conflits internationaux dans l’anarchie internationale née de la souveraineté nationale absolue des Etats ? Est-il souhaitable, et responsable, que les « Etats désunis d’Europe » (expression pertinente de notre ami Bernard Barthalay) se divisent davantage avec le risque d’augmenter encore la cacophonie intergouvernementale du fonctionnement de l’Union européenne ? L’exemple suisse de la création du Canton du Jura, né d’une sécession réclamée par les francophones au sein du Canton de Berne, n’a pas remis en cause leur appartenance commune à la « (Con) »fédération helvétique, ce qui montre que les aspirations à l’auto-gouvernement peuvent se gérer bien plus facilement, démocratiquement et pacifiquement, dans le cadre d’un Etat fédéral que dans un meli melo (un « machin » aurait dit « le grand CDG ») intergouvernemental et interétatique. L’actuel projet de referendum sur l’indépendance de la Catalogne et l’importance du sujet font du reste que nous y reviendrons dès le mois de décembre.
… sans négliger la priorité stratégique de parachever l’intégration européenne
A l’heure où nous écrivons, la Commission Juncker est (pour la troisième fois de l’histoire) en cours de validation par le Parlement européen. Les tractations des Etats membres proposant leurs candidats aux postes de Commissaires, après la victoire démocratique obtenue par le Parlement européen de la nomination du Président de la Commission par le biais du suffrage universel, nous renvoient aux pires travers du fonctionnement intergouvernemental de l’UE, qui plus est concernant une instance sensée représenter les intérêts du peuple européen, tout entier, plutôt que celui, égoïste, des Etats.
Par ailleurs, la proposition de Jean-Claude Juncker le 15 juillet devant le Parlement européen d’un vaste plan d’investissement de 300 milliards d’euros donne un relief particulier à l’Initiative citoyenne européenne New Deal for Europe plus ambitieuse et seule réaliste puisqu’elle évoque pour un tel plan extraordinaire la mise en place de ressources propres de l’Union (en particulier une taxe sur les transactions financières et une taxe carbone) susceptibles d’apporter une véritable solution à la crise économique et sociale que traverse l’UE et de préfigurer la mise en place d’un budget fédéral de la zone euro afin de la réorganiser en un ensemble polycentrique, une Fédération européenne au sein d’une Union confédérale plus large.
L’Agence Europe du reste, dans sa « Bibliothèque européenne » (n° 163), ne s’y est pas trompée dans le commentaire que M. Michel Theys fait de notre dernier numéro et que nous permettons de reprendre ici :
« Cette publication fédéraliste française toujours pugnace dans la défense de sa cause consacre, dans ce numéro, une attention particulière à l’Initiative citoyenne européenne baptisée « New Deal 4 Europe ». Dans un premier temps, Catherine Vieilledent, responsable du Groupe Europe de l’Union européenne des fédéralistes à Bruxelles, rend compte de manière exhaustive de la présentation de cette Initiative au Comité économique et social européen en juin dernier. Paolo Ponzano - qui était l’un des représentants du Comité promoteur à cette présentation avec Philippe Grosjean et l’économiste Bernard Barthalay - met ensuite en lumière différentes raisons d’être de cette Initiative citoyenne qui prévoit, entre autres, la création de deux nouvelles ressources propres, à savoir une taxe sur les transactions financières et une « taxe carbone » dont le produit permettrait à l’Union de financer une partie du plan d’investissements publics jugé indispensable par les signataires. S’il reste à savoir si les onze Etats membres disposés à introduire la taxe TTF sont prêts à en verser au moins une partie au budget, l’ancien haut fonctionnaire de la Commission confirme toutefois la nécessité d’agir au plan européen pour réorienter l’Europe vers la croissance et l’emploi, citant cet avertissement de feu Tommaso Padoa-Schioppa : « la rigueur incombe aux Etats, la croissance revient à l’Union européenne ». Encore faut-il qu’on en donne les moyens à celle-ci. »