Afrique et migrations : le continent africain est un territoire de migrations internes, marginalement d’immigrations vers l’Europe

, par Michel Caillouët

L’immigration des populations africaines fait l’objet de débats et polémiques dans nos pays européens, spécialement en France, ancienne puissance coloniale.
On se souvient des débats qui ont opposé Stephen Smith, auteur de La ruée vers l’Europe, paru en 2017, et de nombreux démographes (par exemple Hervé le Bras) et spécialistes de l’Afrique. Le message subliminal de Smith : « il y aura, sur le continent européen, de 150 à 200 millions d’afro-européens en 2050 », a fait l’objet de vastes polémiques, même dans les sphères les plus hautes de l’État.

Bien sûr, l’Afrique est un continent à forte population, un milliard trois cents quarante millions d’habitants à la mi-2020, soit 17% de la population mondiale et ce pourcentage est appelé à augmenter puisque le continent africain n’a pas encore terminé sa transition démographique, les taux de mortalité diminuent alors que les taux de naissance, quoiqu’en diminution, restent encore élevés (encore en moyenne 4,7 enfants par femme, et 60% de la population a moins de 25 ans). Grand contraste bien sûr avec l’Europe, continent du vieillissement programmé, puisque l’âge moyen de notre population va bientôt atteindre 50 ans.
La croissance économique du continent africain reste régulière, de l’ordre de 4 à 5% par an, même si contrastée (moyenne de 3, 9% en 2020 ; et en moyenne de 5% depuis les années 1970), dynamique portée par le Rwanda, L’Éthiopie, la Cote d’Ivoire, le Ghana, la Tanzanie et le Benin), et, si la crise Covid finit par être maitrisée, les perspectives sont très favorables (Banque Africaine de développement).
Mais des problèmes structurels importants et des défis redoutables subsistent, l’état de guerre dans certains pays, la mauvaise gouvernance ou la gouvernance répressive, qui affectent au moins 10 pays africains, sur 54.

C’est la raison pour laquelle l’Afrique reste un continent ou les déplacements de population sont importants : sur les 80 millions de population déplacées dans le monde, en 2020 (soit un peu plus de 1% de la population de l’humanité), 29 millions sont africains.
Mais, sur ce chiffre, significatif, on doit relever que 80% des mouvements se font à l’intérieur de l’Afrique elle-même, et que 10 pays en sont responsables (RDC, Nigeria, Burkina Fasso, Cameroun, RCA, Soudan, Érythrée, Éthiopie, Somalie, Soudan du sud). Il convient aussi de noter que près de 70% restent, dans des conditions humaines souvent indignes, dans leur pays d’origine.

La coopération internationale, notamment celle de l’Europe, reste importante (convention de Cotonou). Il est important qu’elle se concentre, dans la mesure du possible, sur ces pays « faillis », en travaillant sur la résolution des conflits (dont le terrorisme international, notamment au Sahel et au Nigeria). Il est important aussi de contribuer à aider les organisations d’intégration africaines, pour soulager, sur le plan humanitaire, les populations internes déplacées.
En effet, la « crise migratoire » de l’Afrique est une crise des personnes déplacées, bien circonscrite à un nombre de pays. Et la migration vers l’Europe n’est que la partie, en fait très limitée, de l’iceberg du déplacement de population sur le continent.
Ainsi, en 2019, et selon les meilleures estimations, seulement 300.000 ressortissants africains ont émigrés vers l’Europe (0,05 % de notre population), 2/3 viennent d’Afrique de l’Ouest ou de l’Est, 6% d’Afrique du Nord. Les raisons en sont multiples : études, rapprochement familial ou un motif économique d’envoi de fonds aux familles… Il y a bien sur les entrées illégales, encouragées par les passeurs, mais on doit noter que les arrivées légales sont de l’ordre, chaque année de 90.000 à 100.000 personnes. Il s’agit en général de personnes relativement bien éduquées, 65% ont le bac, 50% un diplôme d’enseignement supérieur, c’est d’ailleurs un niveau d’études équivalent, voire supérieur, aux populations européennes du même âge !

Dans l’état actuel des choses, l’arrivée de population africaine en Europe n’augmente que de 1,5% par an, alors que la population africaine reste en croissance démographique de 2,5%. Autre exemple qui confirme ce phénomène, c’est la Tunisie, pays à faible taux de croissance démocratique, qui envoie le plus de ressortissants vers le l’Europe.
On est donc très loin du fantasme ou de la peur de certains (cf. Stephen Smith), et on ne parle pas de l’apport que ces populations peuvent apporter au développement de nos pays, face à nos populations en déclin démographique !