Souvenir de Gino

, par Antonella Braga

Je voudrais rappeler quelques qualités humaines de Gino Majocchi, qualités qui ne trouvent pas assez de reconnaissance dans notre monde difficile, mais qui font plutôt la différence dans la définition de la valeur d’une personne et de ses relations. Je voudrais rappeler sa gentillesse et sa disponibilité authentiques, l’attention qu’il a toujours eue envers les personnes qu’il rencontrait et dans la réalisation des actions qu’il a promues.
Je pense à l’attention qu’il a mise dans son enseignement, pour faire grandir ses élèves de manière autonome, les mettre en valeur en les plaçant vraiment au centre du parcours de formation, pour développer en eux une conscience morale et une vocation politique, les rendre passionnés par la connaissance de l’histoire, comme science rigoureuse mais aussi comme étude toujours liée à un sentiment civil, les enthousiasmer envers l’idéal kantien de paix et d’unité entre les peuples qui constituait pour lui un véritable impératif catégorique de raison morale et politique.
Pour des générations d’étudiants, au lycée et à l’université, pour moi comme pour beaucoup d’autres plus jeunes, Gino a été un point de référence fondamental pour notre croissance. De lui, nous avons appris ce que signifie, dans la vie quotidienne, faire de la contradiction entre les faits et les valeurs une affaire personnelle.
C’était aussi le cas pour des générations de militants fédéralistes dans toute la péninsule, car Gino ne s’est jamais retiré, il était toujours disponible avec sa gentillesse exquise pour aller faire une conférence, un séminaire, un cours dans les écoles, même dans les territoires les plus périphériques et difficilement accessibles. Il a ainsi contribué à faire grandir des générations de nouveaux militants et, après les avoir aidés à grandir, il ne les a pas rappelés à lui, pour en faire des disciples d’un cercle magique clos, mais les a invités à se mouvoir de manière autonome et responsable, à se rendre sur le terrain et à créer de nouvelles sections.
En fait, il savait que la force d’un mouvement ne vient pas des dirigeants, des hiérarchies, des dogmes, mais de la foi et du libre arbitre des « apôtres » comme lui, désireux de transformer leur foi en une parole d’action, capables de captiver les âmes et de déplacer les montagnes, et d’une stratégie rationnelle, à chaque fois lucidement adaptée aux changements de circonstances, pour s’efforcer de briser dialectiquement la dure carapace du monde.
C’est pourquoi Gino était un grand militant et un grand leader politique. Avec lui, une partie importante et significative de l’histoire des organisations fédéralistes, nous quitte. Dans son engagement politique, il employait la ténacité et la résistance à la fatigue et aux chutes que, peut-être, seuls les vrais cyclistes comme lui savent cultiver dans des montées solitaires ou des sprints massifs.
Je me souviens de son souci de préparer chaque initiative jusque dans les moindres détails, même les moins visibles, les plus humbles. Je le revois alors que, déjà leader national et européen du mouvement, il balayait et réaménageait seul les lieux avant une réunion à laquelle des personnalités importantes devaient participer avec lui.

J’ai beaucoup appris de lui et je l’ai aimé comme un père, parce qu’il avait envers moi, comme envers beaucoup d’autres, ce souci paternel qui consiste à suivre, même de loin, la vie d’une fille fragile, que de temps en temps il faut aller récupérer pour qu’elle ne se perde pas.
C’est pourquoi il laisse chez nombre d’entre nous un vide incommensurable, qui nous unit tous dans une douleur commune.

Cependant, Gino ne nous laisse pas seuls car les graines qu’il a semées et à travers lui celles ayant muri dans beaucoup de cœurs continueront à germer pendant longtemps.