Les peuples, dernière chance pour l’Union européenne ?

, par Paul Oriol

François Hollande n’a pas voulu faire la même erreur que
François Mitterrand : « la relance dans un seul pays », ce
qui l’avait rapidement conduit à un virage et à rentrer
dans le rang.

Comme Mitterrand, il n’a pas voulu rompre avec l’Union
européenne (UE). Il a annoncé qu’il refuserait de
soumettre le pacte fiscal dans sa forme originale à
l’Assemblée nationale et qu’il obtiendrait auparavant un
volet « relance ». M. Schockenhoff, député allemand et
vice-président du groupe CDU/CSU, président du groupe
franco-allemand, a répondu que le pacte pouvait être
modifié « dans sa rhétorique », non dans sa « substance ».

Nous pouvons y mettre un beau paragraphe sur la
croissance. Nous pouvons aussi répéter de nouveau ce
qui y est déjà dit avec d’autres mots et en expliquant que
nous nous engageons aussi à nous préoccuper de la
croissance. Comme ça, Hollande pourra dire chez lui :
’J’ai fait en sorte que le pacte budgétaire traite de
croissance’.
http://www.euractiv.fr/electionpresidentielle/pacte-budgetaire-allemagne-preparearrivee-hollande-14444.html

C’est effectivement ce qu’il s’est passé. François Hollande
a, finalement, assumé au nom de la France la signature,
par son prédécesseur, du Pacte de solidarité et de
croissance. Sans pouvoir réellement l’infléchir. Ce que,
fraîchement élu, il disait avoir réussi au sommet de juin
2012 et qui n’a été entériné ni en novembre ni, encore
moins, en janvier 2013.

Pour avancer, il a rompu son isolement en constituant un
front de la relance avec, essentiellement, Mario Monti
(pourtant un eurocrate) et Mariano Rajoy (pourtant un
conservateur) face à la coalition libéro-vertueuse
regroupée derrière Angela Merkel : coalition renforcée
par le Royaume uni et David Cameron. Dont l’énergie a
été récompensée, faisant de cette alliance un groupe plus
libéral qu’européen.

En plus, au delà de leurs sentiments personnels, Angela
Merkel comme David Cameron, pour gagner les
prochaines élections, doivent tenir compte de la montée
de l’euroscepticisme dans leur propre camp : UKIP
(United Kingdom Independence Party = Parti pour
l’indépendance du Royaume uni ) et Alternative für
Deutschland (Alternative pour l’Allemagne)…
http://www.endzeit-news.org/neue-partei-alternative-furdeutschland-will-euro-abschaffen/

François Hollande a refusé l’affrontement et la croissance
reste un voeu pieux. Il a accepté le pacte que beaucoup,
non seulement à gauche, estiment catastrophique pour la
croissance et pour les peuples de l’Union.

Face au Royaume uni de Cameron et à l’Allemagne de
Merkel, la France de Hollande ne fait pas le poids. N’est
pas de Gaulle qui veut. L’Europe et la France
d’aujourd’hui ne sont pas celles d’hier.

La seconde guerre mondiale est finie. Et l’après guerre
aussi. Les politiques au pouvoir aujourd’hui sont nés
après la guerre ! Le passé historique a cédé au présent
économique. La solidarité de l’après-guerre a fait place à
l’individualisme, la vision communautaire de l’Europe
aux égoïsmes nationaux. Et le libéralisme triomphe…

Le dernier sommet européen en est la preuve évidente.
Pour la première fois le budget de l’UE a été revu à la
baisse. Et chaque chef d’Etat n’a parlé que de ses intérêts
d’Etat réels ou supposés. Aucun n’a incarné une vision à
long terme de l’UE et aucune instance européenne. Reste,
peut-être, le Parlement européen.

Hollande, sans dire ouvertement qu’il ne respectera pas le
pacte, avance en traînant les pieds. Il sait qu’il a des
alliés. Les « pays du club med », mais aussi la politique
économique des États-Unis, les déclarations des plus
grands économistes et même, dans une certaine mesure,
le Fonds monétaire international.

N’ayant pas réussi à entraîner l’UE dans une politique de
relance, il doit élargir le nombre de ses alliés, notamment
les PECO (pays de l’Europe centrale et orientale), ces
alliés traditionnels de la France, bêtement méprisés par
Jacques Chirac. Ils ont adhéré à l’UE à défaut de pouvoir
adhérer directement aux États-Unis, ils sont séduits par la
puissance allemande et sa réussite économique dont,
comme les autres, ils pâtiront un jour.

François Hollande espère dans une reprise qui tarde mais
qui lui permettrait une autre politique économique et
d’avancer vers le respect des critères de Maastricht, de façon peut-être plus efficace et surtout moins douloureuse.

Cette reprise pourrait venir des États-Unis ! Avec les
nouvelles surprenantes qui s’accumulent, l’économie
américaine semble se relever de la crise plus vite que
prévu. Chômage en nette baisse, des indices boursiers en
pleine forme... Cette semaine a vite chassé les
inquiétudes occasionnées par le déclenchement des
coupes budgétaires automatique. Malgré une alerte avec
une chute de la croissance du dernier trimestre 2012, la
première puissance mondiale a retrouvé une forme de
tous les diables.
http://www.huffingtonpost.fr/2013/03/08/etats-unis-crise-dette-bourse-emploi-croissance-deficit_n_2838057.html

Jusqu’à maintenant, au niveau institutionnel, seul le
Parlement européen a joué son rôle dans le débat sur le
budget. Traduira-t-il ses déclarations fortes par un rejet
du budget européen ? Etant donné que la presque totalité
des gouvernements sont de droite, le risque est grand que
les députés refusent de déjuger leurs gouvernements !
Refuser de voter le budget serait loin d’être une
catastrophe. Ce serait même un bienfait à plusieurs titres.

Comme l’a fait remarquer Cohn-Bendit, si le vote du PE
est positif, le budgets annuel de l’UE est adopté pour 7
ans ! Deux mandatures du PE. Avec une législation de ce
type, le budget de la France voté en 2012 par la majorité
UMP serait valable pour toute la présente mandature et le
début de la suivante !

Plus grave, en adoptant ce budget pour 7 ans, le Conseil
semble dire que la crise va durer 7 ans et qu’il ne faut pas
prévoir un développement budgétaire de l’UE pendant
cette même période ! C’est un message clair de régression
européenne. Budget de crise ou budget de croisière anti
européen ?
Si le PE rejette le budget adopté par le Conseil, le budget
de 2012 sera reconduit en 2013, puis, éventuellement, en
2014... Ceci aurait l’énorme intérêt de placer le budget de
l’UE au centre du débat des élections européennes de
2014. Enfin, une élection européenne pourrait avoir
comme objet central l’UE et son budget ! Ce serait donner
aux peuples de l’Union une partie du pouvoir qui leur a
toujours été refusé. Ce pourrait être l’occasion de
l’ouverture d’un espace public européen !

Perspective intéressante. Mais les peuples auront-ils la
patience d’attendre et de subir jusque là. A chaque fois
qu’ils en ont la possibilité, ils disent leur opposition à la
politique suivie : en votant pour l’opposition ou en
s’abstenant parce qu’ils pensent que l’opposition ne fera
pas mieux ou en votant pour ceux que les « compétents »
qui ont la solution à tous les problèmes depuis des
années, appellent des « clowns »...

Et, au delà des élections, les peuples de l’Union se
révoltent tour à tour, de la Grèce au Portugal, de l’Italie à
la Bulgarie, séparément dans de nombreux pays de
l’Union. Mais ces révoltes sont séparées. Dispersées.
L’indignation est partout. Sans véritable printemps
européen. Pour tout chambouler. Jusqu’à quand ?
Car si malgré une crise financière qui dure maintenant
depuis 5 ans , l’euro se porte bien grâce notamment à une
décision de Mario Draghi, la cure d’austérité entraîne de
lourds sacrifices pour les populations sans ouvrir de
perspectives, d’espérance pour les peuples.

Il n’y a pas d’espace politique européen, les élections
européennes de 2014 pourraient ouvrir un tel espace. Il
n’y a pas « d’espace social » européen. Mais de multiples
espaces nationaux politiques ou sociaux. Les peuples du
nord de la Méditerranée sauront-ils créer des réseaux
sociaux européens nécessaires pour aller au delà des
« indignés » et ouvrir la voie à une Europe de la solidarité.
Paradoxalement, le salut viendra-t-il de la révolte des
peuples contre les gouvernements fossoyeurs de l’Europe
au profit du libéralisme ? Sur quelles forces peuvent-ils
compter ?

Il est permis de rêver.

P.-S.

Paul Oriol

Auteur de Résidents étrangers citoyens ! Plaidoyer pour une citoyenneté
européenne de résidence (2003)