Myriam Makeba, « Mama Africa » de l’unité africaine

, par Silvia Romano

Chanteuse sud-africaine connue internationalement, Miriam Makeba surnommée « Mama Africa » est également une militante pour l’égalité et une voix puissante contre l’apartheid. Elle s’engage toute sa vie contre le racisme et les injustices et rêve d’une grande Afrique unie.
Miriam Makeba naît le 4 mars 1932 dans le township de Prospect, près de Johannesburg, sous le nom de Zenzile Makeba Qgwashu Nguvama, dans ce qui est alors l’Union sud-africaine fondée en 1910 comme dominion de la Couronne britannique. L’État connaît une montée du nationalisme afrikaner, une idéologie née chez les Sud-Africains blancs non anglophones, d’origine néerlandaise, française, allemande ou scandinave, et qui promeut en particulier la ségrégation raciale. Les graines de l’apartheid, visant à séparer géographiquement et politiquement les Noirs et les Blancs d’Afrique du Sud, sont alors déjà semées, et la ségrégation raciale devient une réalité.
Au début des années 1950, Miriam Makeba commence sa carrière en tant que choriste dans le groupe Manhattan Brothers. En 1956, elle écrit Pata Pata, qui restera comme le tube planétaire de la chanteuse. Sa voix devenant de plus en plus connue, elle participe en 1959 au documentaire « Come Back Africa » de Lionel Rogosin, qui traite de la société sud-africaine sous le joug des lois d’apartheid.

Peu après le massacre de Sharpeville en 1960, au cours duquel 69 manifestants noirs meurent sous la répression policière, Miriam Makeba apprend la mort de sa mère. Lorsqu’elle cherche à rentrer en Afrique du Sud pour les funérailles, elle découvre que son passeport sud-africain a été annulé. Un exil de plus de trente ans commence. Sa condition d’apatride et le durcissement du régime afrikaner aiguisent sa conscience politique.

Polyglotte, favorable à l’adoption d’une langue africaine commune ainsi qu’à l’unité africaine, elle est tout naturellement invitée, en mai 1963, à se produire lors de la création de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) à Addis-Abeba. Ces décennies voient « Mama Africa » se produire partout en Afrique ainsi que dans le monde entier, devenant notamment la première femme noire à obtenir un Grammy Awards en 1965 – pour son album avec Harry Belafonte.

Tandis que Miriam Makeba poursuit une carrière florissante sur le continent africain, elle reçoit la nationalité guinéenne et s’établit à Conakry à partir de 1969. Le président Sékou Touré lui propose de devenir l’une des délégué(e)s guinéen(ne)s aux Nations Unies. Sa reconnaissance continentale et internationale lui permet de mener de pair carrière musicale et combats politiques pour la libération de son pays mais aussi de l’Afrique de la domination coloniale et postcoloniale.
Dans les années 1970, elle enchaîne les tournées sur les cinq continents pour le compte de l’ONU, de l’UNESCO et des mouvements de lutte contre le racisme et les discriminations.

En 1990, Nelson Mandela, à peine libéré après 27 ans d’emprisonnement, la convainc de rentrer en Afrique du Sud. Elle retrouve enfin son pays natal et se verra décerner le trophée de « femme du siècle » de la Bedford Stuyvesant Community of New York City (1992).

Dans les années 2000, elle se consacre à ses deux fondations humanitaires en Afrique du Sud, la Zenzile Miriam Makeba Fondation et le Miriam Makeba Rehabilitation Centre for Girls. En 2001, elle est nommée « Ambassadrice de bonne volonté » de l’Afrique du Sud pour l’Afrique par le président Thabo Mbeki. Jacques Chirac lui confère le titre de Commandeur des Arts et des Lettres et la Légion d’honneur en France en 2002.

Miriam Makeba poursuit son engagement jusqu’aux derniers instants de sa vie. Le 9 novembre 2008 elle monte une dernière fois sur scène devant un millier de spectateurs pendant un concert de soutien à l’auteur-réalisateur du film Gomorra, Roberto Saviano, traqué par la mafia. Durant le rappel enthousiaste du public, elle est victime d’un malaise cardiaque et s’éteint peu après.