Budget européen 2011 : nous avons perdu face aux Etats

, par Fabien Cazenave

Le budget 2011 a été voté au Parlement européen qui a accepté toutes les volontés des Etats qui voulaient un budget limité. Non seulement les Etats ont réussi à retarder le débat sur les ressources propres pour l’Union européenne (UE)… mais en plus, ils veulent désormais geler le budget de l’UE. Nous avons perdu sur toute la ligne.

Le Parlement européen a adopté lors de la session plénière le budget 2011 de l’UE mercredi 15 novembre 2010. Il y aura une hausse des dépenses de 2,91 % ce qui porte le budget à 126,5 milliards d’euros. Cela reste très inférieur à ce réclamaient les eurodéputés (5,9 %). Cela respectait les limites globales fixées par le Conseil. En effet, il y a eu une bataille politique ces dernières semaines entre le Parlement et le Conseil : les élus demandaient un droit de regard sur les ressources propres à venir de l’UE et posaient la question de l’intérêt d’un impôt européen.

Les Etats ont argué de la crise économique frappant le continent pour limiter la hausse du budget européen auquel ils participent. Or avec le Traité de Lisbonne, l’UE a obtenu des nouvelles prérogatives qui augmentent mécaniquement ses besoins budgétaires. C’est le Royaume-uni de David Cameron qui a mené la charge des Etats ne voulant ni d’une hausse conséquente du budget européen ni entendre parler de ressources propres pour l’UE.

Un Parlement avec un genou à terre

L’adoption du budget par le Parlement européen à une large majorité (508 voix contre 141) n’a pas caché l’amertume des députés. « On a gonflé la poitrine et puis on a eu peur de vaincre et on a tout arrêté » a déclaré Daniel Cohn-Bendit des Verts. Le député écologiste a résumé avec son sens de la formule habituel la bataille perdue par l’institution qui représente les citoyens au sein des institutions européennes.

D’autres positivent, tel Alain Lamassoure : « dans les contraintes exceptionnelles de cette année, l’accord intervenu sur le projet de budget 2011 est le meilleur compromis possible ». Ce n’est pas un mauvais argument dans l’hypothèse d’une recherche de compromis avec le Conseil. Mais cela révèle surtout l’impuissance des partis européens à exister face aux chefs d’Etats et de gouvernements. Les souverainistes devraient être contents : l’Europe des nations a gagné.

Le Parlement européen n’a pas été aidé par la Commission européenne. Certains commissaires européens ont bien essayé de lancer l’idée d’un impôt européen.

Cela a eu le grand mérite de proposer une autre voie pour financer le budget européen face à des Etats qui ont à gérer sur le plan national une crise économique. Pourtant, les besoins européens pour la relance de l’économie sont prégnants. Et cinq Etats ont décidé d’aller plus loin dans la victoire de leur intérêt national sur l’intérêt européen.

Vers un gel du budget européen ?

Les dirigeants de cinq pays européens (France, Allemagne, Royaume-uni, Pays-Bas et Finlande) ont écrit une lettre à José Manuel Barroso, Président de la Commission européenne, pour demander d’imposer un gel du budget de l’UE pendant la durée du prochain cadre financier pluriannuel (2014-2020), selon une lettre datée du samedi 18 décembre. Concrètement, ils demandent que les crédits d’engagement ne devraient pas excéder leur niveau de 2013 corrigé d’un taux de croissance inférieur à celui de l’inflation pendant la durée du prochain cadre financier pluriannuel.

Encore une fois, l’argument économique est présenté : « l’enjeu des prochaines années ne sera pas pour l’UE de dépenser plus mais de mieux dépenser. Une meilleure efficacité de la dépense européenne, un suivi précis des dépenses engagées, la recherche d’un effet de levier économique et la simplification du cadre financier permettront de répondre à cette exigence », explique le communiqué.

Les cinq dirigeants nationaux ont donc décidé de pousser encore plus loin leur avantage sur le Parlement européen et la Commission.

Deux visions de l’Europe, mais des combattants d’un seul côté

Il est à espérer que les tenants d’un impôt européen comprennent la leçon. Ils ont perdu et ont fait perdre leur camp pour plusieurs mois. Désormais, comment allons-nous pouvoir nous opposer au Conseil qui a imposé comme grille de lecture l’austérité pour bien gérer l’Europe ?

Car il ne faut pas voir dans l’argument des Sarkozy, Merkel et Cameron une preuve d’un rejet du projet européen. C’est une vision combative de la construction européenne : « nous voulons que l’Europe ne concerne les pays nationaux que quand ils le décident ». Pour un Sarkozy ou une Merkel, c’est une manière de s’assurer que lorsque la France et l’Allemagne avancent et font des propositions, l’Europe bouge. Pas sûr que dans cette optique, Cameron soit un très bon allié…

L’autre vision de la construction européenne est celle qui met les citoyens au coeur du processus, c’est l’Europe fédérale. Mais pour ce faire, nous avons besoin d’une Commission européenne qui agisse comme un réel gouvernement de l’Europe responsable devant les représentants des citoyens, le Parlement européen. Mais pour le moment, ce dernier a baissé pavillon sans combattre, faute d’organisation en son sein.

Les partis politiques européens n’existent pas encore. C’est par eux et leurs membres que viendra la révolution européenne. En attendant, les chefs d’Etats et de gouvernements feront ce pour quoi ils sont élus : défendre leurs intérêts nationaux. Dans ce cas, quel avantage pour eux à donner à la Commission européenne les moyens de son autonomie ? Autant la garder sous contrôle en limitant ses moyens financiers.

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