La justice internationale, les fédéralistes et la Coalition pour la Cour pénale internationale

Cour pénale internationale (CPI), justice internationale et rôle des fédéralistes

, par Jean-Francis Billion

Dès l’immédiat après-guerre, les fédéralistes, européens et mondiaux, ont affirmé que les institutions internationales étaient fondamentalement imparfaites et démocratiquement déficientes. C’est pourquoi : l’Abbé Pierre, Albert Einstein ou Bertrand Russell, ont alors demandé un gouvernement mondial et « la paix mondiale par la loi mondiale » ; Gary Davis a renoncé à sa nationalité américaine et s’est revendiqué comme le premier « Citoyen du monde » ; le Lyonnais Henri Frenay, fondateur de Combat, Eugen Kogon ou Altiero Spinelli, tous trois issus des rangs de la Résistance, ont fondé l’UEF.

Aujourd’hui les fédéralistes restent directement concernés par la création de la Cour pénale internationale car les crimes tombant sous sa juridiction (génocide, crimes contre l’humanité, crimes de guerre et agression) découlent en droite ligne de la division du monde en Etats souverains antagonistes qu’ils refusent et combattent quotidiennement pour lui substituer un ordre international juste et démocratique.

Les fédéralistes affirment :

  • que la signification la plus révolutionnaire de la CPI c’est que, pour la première fois, la collectivité internationale et les Nations unies vont avoir un pouvoir direct sur les individus par delà les Etats ;
  • que l’expérience de la Cour européenne de justice montre que l’autorité d’un tribunal international peut commencer à s’imposer même en l’absence de tout pouvoir politique international ;
  • que la CPI n’aurait jamais vu le jour sans le vaste mouvement d’opinion publique qui l’a soutenu et que les ONG sont ainsi devenues de nouveaux sujets de la vie politique internationale dont les Etats doivent tenir compte ;
  • qu’alors que les Etats-Unis, dernière superpuissance, refusent toujours de laisser à une autorité supranationale le pouvoir de juger et punir les crimes internationaux, les pays de l’Union européenne ont joué un rôle progressiste et que leur influence a été l’un des éléments déterminants en faveur de la CPI. Mais, depuis, la Grande-Bretagne est revenue au bercail atlantiste, comme l’a montré la crise irakienne, entraînant à l’époque derrière elle un nombre significatif de pays européens : la nécessité d’une politique étrangère et de défense européenne, c’est-à-dire d’un gouvernement européen fédéral, apparaît en pleine lumière.

Alors que le « gouvernement américain du monde » est plus que jamais incapable d’endiguer le désordre international (prolifération nucléaire, terrorisme, crise financière, etc.), l’évènement décisif pour la création d’un nouvel ordre mondial plus juste, pacifique et démocratique, ce serait l’émergence de l’Europe fédérale en tant que nouveau sujet politique international.

Dans un environnement de plus en plus interdépendant et pour contrôler la mondialisation, l’unique voie c’est la construction d’institutions politiques internationales solides et démocratiques.

Bien sur, la CPI ne serait pas indépendante des rapports de pouvoir internationaux, c’est-à-dire que tant que le monde restera divisé en Etats nationaux souverains, chaque gouvernement aura sa propre raison d’Etat, donnera sa propre interprétation de la justice internationale et que les conditions de la justice internationale ne seront jamais totalement réunies.

A ceux qui affirment qu’ « il n’y a pas de paix sans justice », les fédéralistes répondent qu’il n’y aura jamais de justice sans la paix et qu’il n’y aura jamais la paix mondiale sans gouvernement démocratique mondial.

Le rôle historique des fédéralistes, qui partagent avec le mouvement pour la paix l’aspiration à la justice internationale, c’est, là encore, de montrer la stratégie permettant sa réalisation : la voie magistrale pour faire prévaloir le droit et la justice sur la force au niveau international, c’est celle qui passe par la création de nouveaux centres de pouvoirs démocratiques au delà des Etats nationaux.

P.-S.

Jean-Francis Billion Vice-président de l’UEF France. Membre du Comité fédéral de l’U.E.F. et du Conseil mondial du WFM