La justice internationale, les fédéralistes et la Coalition pour la Cour pénale internationale

La France se dote enfin de la loi de mise en oeuvre de la CPI

La lutte menée depuis 10 ans par la Coalition française
pour la Cour pénale internationale s’est achevée le 9 août
2010, lorsque le président Sarkozy a promulgué une loi
incorporant la plupart des principes du Statut de Rome
dans la loi française.

Le nouveau projet de loi introduit enfin les définitions
des crimes de guerre dans le Code pénal, tout en
complétant de manière relative les définitions déjà
existantes de crimes contre l’humanité et de génocide, et
en mettant en avant des critères d’exercice de la
compétence des tribunaux français sur ces crimes.

Avant même que la Cour pénale internationale (CPI) soit
opérationnelle en 2002, la France a été l’un des premiers
pays à ratifier le Statut en 2000 dans l’objectif d’adopter
une loi sur la coopération. Toutefois, les ONG ont dû
mener une campagne acharnée pendant dix ans pour
s’assurer que la question de la mise en oeuvre reste sur
l’agenda politique.

Le dernier projet de loi, tel qu’adopté en août, comporte
plusieurs lacunes que la société civile, sous l’égide de la
Coalition française pour la CPI, a mis en évidence à
travers sa campagne. Le projet de loi prévoit une
juridiction extraterritoriale des tribunaux français sur les
crimes relevant de la compétence de la Cour. Cependant,
il comprend également des conditions excessivement
restrictives qui, dans la pratique, entraveraient les
enquêtes et les poursuites nationales en rapport avec les
crimes de la CPI. Par exemple, les auteurs présumés de
crimes internationaux pourraient venir en France sans
craindre d’être poursuivis à moins qu’ils s’y établissent
de manière permanente. Même dans ce cas, les poursuites
seraient laissées à la discrétion du procureur général, une
condition clairement contraire à la tradition juridique
française, qui autorise les victimes à engager une action
pénale.

Curieusement, le projet de loi inverse le principe de
complémentarité et établit qu’avant d’entreprendre toute
procédure, le procureur général devra consulter la CPI
pour s’assurer qu’elle défère expressément sa
compétence à l’égard d’une affaire. Enfin, la compétence
des tribunaux français ne pourrait être déclenchée que
lorsque les crimes en question sont passibles de
poursuites en France et dans le pays où ils ont été
commis, principe dit de « double incrimination ». Avec
l’adoption du projet de loi de mise en oeuvre, la France
manque d’aborder l’objectif fondamental inscrit dans le
Statut de la CPI : le devoir de chaque État d’exercer sa
compétence sur les responsables de crimes
internationaux.

La Coalition nationale et d’autres ONG ont activement
plaidé auprès du gouvernement français et des deux
chambres du Parlement pour que ces obstacles soient
levés afin que les crimes du Statut de Rome puissent être
soumis à la même procédure que d’autres crimes internationaux relevant déjà de la compétence des
tribunaux nationaux ; notamment la torture et les actes
terroristes, ainsi que le génocide, les crimes contre
l’humanité et crimes de guerre commis lors du conflit en
ex-Yougoslavie et au cours du génocide rwandais.
Compte tenu de ces obstacles juridiques, il est peu
probable que les nouvelles dispositions conduiront un
jour à des poursuites contre les auteurs de crimes
internationaux graves en France. Le déroulement des
événements dans les mois à venir sera un indicateur de la
position de la France sur la justice pénale internationale.
La Coalition française et d’autres ONG suivront les
développements judiciaires liés à l’application de la loi et
entreprendront de nouvelles actions en conséquence.

P.-S.

Simon Foreman
Président de la Coalition française pour la Cour
pénale internationale (CFCPI)

Article publié Le Moniteur, édition en français, N° 41