Climate cases, la justice au secours de l’environnement

, par Chloé Fabre

Juin 2015, la Cour de justice néerlandaise de La Haye rend son verdict : l’action de l’État néerlandais est insuffisante en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. La cour ordonne la réduction de 25% des émissions d’ici 2020 par rapport aux niveaux de 1990.
Ce jugement est une première : c’est «  la première fois dans le monde qu’un tribunal estime que la politique climatique d’une nation est inadéquate et illégale, et ordonne à un État de l’améliorer  » comme l’affirme Roger Cox, auteur de Revolution justified. Le jugement a été confirmé par la cour d’appel en octobre, la cour affirmant que l’État agit « illégalement et en violation du devoir de diligence ».

Le développement des climate case

Depuis, les climate case se sont multipliés. Le rapport du Programme des Nations unies pour l’environnement de mars 2017 recense 894 actions judiciaires en cours dont les trois-quarts aux États-Unis, 119 recours dans l’Union européenne (13% dont 49 au Royaume-Uni), 102 dans la zone Asie-Pacifique (11% dont 80 en Australie) .
Les recours contre l’État ne sont pas nouveaux, l’on pense à l’affaire de l’amiante ou à celle du sang contaminé. Les recours d’association et de citoyens sont même fréquents aux États-Unis, et les associations de protection de l’environnement l’utilisent depuis plusieurs années. Nathaniel Rich, journaliste au New York Times et auteur de Perdre la terre, analyse cette nouvelle forme de mobilisation comme une évolution du discours des militants : « Leur discours est le suivant : votre inaction est en train de nous tuer. Votre inaction nous vole notre avenir et nos droits fondamentaux. »
L’argumentaire développé, par l’association Urganda aux Pays-Bas comme par l’association Our Children’s Trust aux États-Unis s’appuie sur le fait que l’État a connaissance des faits du dérèglement climatique et de ses conséquences possibles. Ainsi, la non-protection de l’environnement équivaut à un non-respect du droit à un environnement sain. Les recours s’appuient donc sur des faits scientifiques dont la robustesse a été démontrée par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), sur les droits fondamentaux reconnus dans différents textes (constitutions, chartes des droits fondamentaux, etc.), et sur les avancées politiques issues d’engagements étatiques et internationaux.

Rendre contraignant un cadre juridique en développement

Depuis quelques années, les États prennent des engagements, qu’ils s’agissent de promesses non-contraignantes dans le cadre des COP (et précédemment de l’Accord de Kyoto), ou d’objectifs et de lois contraignantes dans le cadre étatique ou dans le cadre de l’Union européenne.
L’affaire du siècle, lancée en France à l’initiative de quatre associations (Notre affaire à tous, la Fondation Nicolas Hulot pour la nature et l’homme, Greenpeace France et Oxfam France) s’appuie ainsi sur les objectifs et engagement pris par l’État. Le recours s’appuie sur des lois nationales, notamment la loi de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement (août 2009), la loi portant engagement national pour l’environnement de juillet 2010 et la loi sur la transition énergétique pour une croissance verte (août 2015), mais aussi sur des lois européennes, notamment la directive d’avril 2009 pour la promotion des énergies renouvelables, la directive pour l’efficacité énergétique (octobre 2012), le règlement de mai 2018 relatif aux réductions annuelles contraignantes des émissions de gaz à effet de serre par les États membres de 2021 à 2030.
Le développement du droit en matière de protection de l’environnement permet ainsi aux associations de rendre l’Etat redevable de ses actions grâce aux recours en justice.

Une nouvelle forme de mobilisation s’appuyant sur l’État de droit de manière transnationale

Ces climate case montrent que les citoyens ne se contentent plus de laisser les États appliquer (ou non) leurs obligations comme bon leur semble, mais qu’ils les tiennent responsables de leurs (in)actions. Les associations mobilisent les citoyens autour du recours, à l’instar de l’Affaire du siècle qui a récolté plus de 2 millions de soutien. Cette alliance du droit et de la politique permettent de créer un rapport de force obligeant les responsables politiques et les administrations à la mise en œuvre effective des actions de protection. Elle montre également que la mobilisation citoyenne constitue encore un levier d’action politique, en s’appuyant sur la justice.
Les recours se structurent autour du périmètre des cours de justice, qui reste encore, nationales. Le développement de ces recours est en revanche transnational, les associations partageant ainsi leur expérience et leur argumentation. Ces actions, plus ou moins coordonnées, participent également à mettre les États face à leurs responsabilités de manière globale. Les associations situées en Europe peuvent ainsi s’appuyer sur le droit européen de manière similaire et ainsi participer à une application équivalente du droit européen sur l’ensemble du territoire.
Cette nouvelle forme de mobilisation s’appuyant sur l’État de droit et sur la justice constitue actuellement l’axe majeur de développement des politiques en faveur de la protection de l’environnement. Les associations et les citoyens deviennent-ils ainsi le fer de lance d’une justice environnementale transnationale ?