Edito

Comme le souligne le sommaire de ce numéro : …des réponses intergouvernementales impulsées par le Directoire Merkozy à la crise existentielle que connait l’Union européenne (UE) …à la question du vote des immigrés ou au respect des minorités…il existe un continuum, qui s’impose par sa cohérence.

La crise de l’Etat national menace l’UE… et, comme en Hongrie, mine dangereusement la démocratie…

L’horizon ultime de la vie politique, et donc de la démocratie, reste au sein de l’UE, celui de l’Etat national. Il en sera ainsi tant que la Fédération européenne n’aura pas été créée entre les seuls pays et peuples qui l’auront décidé de manière démocratique.

Dans une Europe confédérale (ce qu’est l’UE), les Etats membres restent les maîtres du jeu et, surtout en période de crise, tendent à se replier chacun sur soi, en s’asseyant, ou en s’essuyant les pieds, sur les embryons de fédéralisme que sont la Commission et le Parlement européen (PE) pourtant devenu depuis son élection au suffrage universel direct le seul représentant légitime du Peuple européen. Que les Etats-nations européens soient de plus en plus incapables d’assurer seuls, et chacun pour soi, l’avenir harmonieux de leur population n’y change rien et, comme l’affirmait déjà Altiero Spinelli au milieu des années 1950 (dans son Projet de Manifeste des Fédéralistes européens, prochainement réédité avec l’aide de Presse fédéraliste) les rend seulement toujours plus illégitimes comme il rend le cadre national toujours plus explosif et réactionnaire.

Ipso facto, dans l’UE confédérale quand il s’agit, face à la débâcle financière et pour assurer la survie de l’euro, d’adopter d’indispensables (mais insuffisantes) mesures telles que de déléguer des éléments de souveraineté (par exemple en matière de contrôle des budgets nationaux), il est inconcevable que ces décisions ne soient pas étroitement phagocytées par le Conseil européen…, la somme de ces mêmes souverainetés nationales. On peut aisément imaginer l’efficacité d’un tel mécanisme ! Les marchés financiers, et autres traders, pour critiquables qu’ils soient, ne manquent pas du reste de s’en gausser… et d’en profiter. Les spéculateurs auraient tort de s’en priver et sont devenus membres à part entière des « profiteurs des souverainetés nationales » dénoncés par Spinelli… Les citoyens et les peuples européens, le Peuple européen, étant de plus en plus ravalés au rang de dindon de la farce.

L’architecture inachevée de l’UE reposait jusque là surtout sur la Commission, censée représenter l’intérêt commun de l’UE, et sur le Parlement, représentant le Peuple européen. Malheureusement le mode d’élection boiteux et toujours strictement national du PE rend les élus européens (MPE) étroitement dépendants des partis nationaux et des classes politiques nationales ce qui peut expliquer leur manque de pugnacité face au Conseil. D’où l’importance de faire surgir au sein du PE un « Spinelli collectif » dont nous souhaitons que le Groupe Spinelli tienne le rôle, mais aussi l’urgence, déjà soulignée, de modifier le mode de scrutin des élections européennes pour l’échéance électorale de 2014 en créant comme l’a proposé le MPE britannique, Andrew Duff, par ailleurs Président de l’UEF, une ébauche de « circonscription européenne » pour (au moins) une partie des sièges.

C’est aujourd’hui l’ensemble de l’architecture de l’UE qu’il faut revoir par un indispensable saut fédéral. Sans se laisser arrêter par les Etats qui le refuseraient et, donc, quitte à en abandonner certains en chemin.

Quant à la France… et au monde…

2012 verra aussi une élection locale, en France, celle du Président de la République, institution qui constitue la quintessence et la clef de voûte de la V° République , plus encore (depuis Sarkozy) que les précédentes : jacobine et bureaucratique. Il semble, dès aujourd’hui, que cette élection doive se dérouler sous les auspices du populisme sécuritaire, du nationalisme protectionniste et anti-multiculturel, thèmes qui feront l’objet de surenchères à droite comme, malheureusement, à gauche. Que peut-on, en fait, attendre d’autre d’un cadre national incapable de résoudre les problèmes économiques ou politiques et de viser autre chose que sa perpétuation, comme le démontrent les tentatives désespérées de Merkozy et de leurs complices, pour résoudre la crise de l’UE par l’addition des souverainetés nationales… afin d’éviter de les déléguer au niveau européen dans un cadre fédéral.

Bref, si le processus d’intégration européenne reste le processus de dépassement des Etats nationaux le plus avancé dans le monde, l’exemple que donne aujourd’hui l’UE au reste du monde est un bien mauvais exemple !

Ce n’est pas une raison pour les Fédéralistes d’abandonner le combat ni pour réduire leur ambition : créer sur la ruine du système des Etats nationaux un nouvel ordre mondial juste et démocratique.