Boches et tricolores - Alsaciens-Lorrains dans la Grande guerre

, par Bernard Lesfargues

Sous la direction de Jean-Noël Grandhomme, éd. La Nuée bleue, Strasbourg, 2008, pp. 450, € 22

Ce livre, qui a pour sous-titre « Les Alsaciens-lorrains dans la Grande guerre », est un recueil d’articles réunis par Jean-Noël Grandhomme à la suite d’un colloque qui s’est tenu en 2004 à l’Université Marc-Bloch de Strasbourg.

Une bonne trentaine d’exposés n’épuise sans doute pas la question, elle permet cependant de s’en faire une idée sérieuse, documentée. On y étudie la vie dans les villes et les villages de « nos chères provinces » pendant le conflit ; on y étudie l’attitude de l’Eglise, celle du patronat, des intellectuels, des artistes, etc. La plupart des contributions sont passionnantes, seules quelques-unes semblent trop longues et de ce fait peu digestes.

On a eu l’excellente idée d’illustrer cet ouvrage en reproduisant en couleurs des pages de la chronique que tenait un paysan du Sundgau, Eugène Birsinger. Cet homme, farouche contempteur des Boches, n’écrivait pourtant qu’en allemand. Comment aurait-il pu faire autrement ? Il ne savait pas le français.

Cette ambigüité-là caractérise l’histoire de l’Alsace-Lorraine. Pensons au problème linguistique qui, d’ailleurs, n’est abordé que marginalement. Les Français sont persuadés que l’Allemagne n’a eu de cesse de persécuter la langue française et de l’éliminer de l’Elsass-Lothringen. Or c’est précisément le contraire qui s’est passé : la France a presque éliminé le dialecte alsacien et a longtemps refusé à l’allemand de lui laisser la place qui est légitimement la sienne.

« Si les Alsaciens conservaient des attaches sentimentales avec la France, ils se sont ensuite en majorité accommodés d’un Reich plutôt respectueux des autonomies locales » (Vincent Bullière, p. 407). La France n’aime pas entendre parler ni d’autonomie ni de fédéralisme ; ce sont des mots prohibés. Impossible donc d’aller vers une Alsace-Lorraine liée autant à l’Allemagne qu’à la France et en même-temps non-dépendante de l’une et de l’autre. Vision de rêve ?

P.-S.

Bernard LESFARGUES
Ecrivain, traducteur, fondateur des Editions Fédérop, militant fédéraliste - Eglise neuve d’Issac (24400)