Défis actuels de l’intégration européenne et réponses fédéralistes

L’Union européenne confrontée aux infractions en “bande organisée” de certains États membres

, par Jean-Guy Giraud

Il est de plus en plus évident que l’adaptation de la politique migratoire de l’Union européenne (UE) se heurte à une opposition déterminée d’un groupe d’États membres.

Cette opposition s’est récemment transformée en un refus - ou une menace de refus - d’appliquer les règles en vigueur ou de déclarer qu’ils n’appliqueront pas de futures règles qui pourraient être arrêtées par l’UE contre leur volonté.

Le Traité prévoit cependant explicitement que les règles européennes relatives tant à “la politique commune en matière d’asile” (art. 78 Traité sur le fonctionnement de l’UE - TFUE) qu’à “la politique commune de l’immigration” (art. 79 TFUE) sont adoptées selon la "procédure législative ordinaire” c’est-à-dire à la majorité qualifiée des membres du Conseil [1].

Aucun État ni groupe minoritaire d’États ne peut donc juridiquement s’opposer à l’adoption des règles communes.

Et ces règles, une fois légalement adoptées, doivent bien sûr être appliquées par tous les États dans tous leurs éléments.

Au-delà de la question migratoire proprement dite, on assiste donc - de la part de ces États récalcitrants - à une véritable remise en cause des fondements mêmes du Traité qui reposent d’une part sur la règle majoritaire pour l’adoption des décisions et d’autre part sur l’obligation d’appliquer ces décisions.

Cette attitude de refus - ouvertement affichée et revendiquée - est extrêmement grave.

Elle ne s’était jusqu’ici jamais manifestée avec autant de détermination - voire de brutalité - dans toute l’histoire de la Communauté puis de l’Union.
Elle est d’ailleurs susceptible de s’étendre à d’autres domaines de l’action européenne et donc de menacer la poursuite d’autres politiques communes.
Dans ce cas, c’est l’ensemble du processus de construction européenne qui s’en trouverait gravement paralysé et même déstabilisé.

Sont ici principalement - mais pas uniquement - visés les quatre États du “Groupe de Visegrad” qui - du moins sous l’égide de leurs dirigeants actuels - se sont progressivement transformés en “Rogue States” (librement traduit par “États voyous”) qui se rendent de facto coupables d’infraction au droit européen "en bande organisée” [2].

Leur attitude a parfois pour conséquence de pousser d’autres États membres à contourner ces blocages en recourant à des accords intergouvernementaux, hors du champ juridique et institutionnel communautaire [3] - ce qui représente, à l’évidence, une involution dangereuse de l’action européenne, en rupture avec les principes d’unité et de solidarité de l’ensemble de l’UE.

Le défi ainsi lancé à l’UE par les “Rogue States” devrait donc être relevé - d’une manière ou d’une autre.

Il serait du devoir de la Commission et du Parlement (ainsi d’ailleurs que du Président du Conseil) de rappeler solennellement à ces États - ou plutôt à leurs gouvernements en place - les engagements qu’ils ont pris en adhérant à l’Union, de leur signifier que leur attitude est incompatible avec la qualité de membre de l’UE et de leur notifier que celle-ci est, avant tout, régie par le principe de l’état de droit et de la coopération loyale entre tous les États.

P.-S.

Jean-Guy Giraud est ancien Président de l’UEF France – Haute-Garonne

Notes

[1C’est notamment le cas pour la proposition en cours de la Commission sur la refonte du règlement de “Dublin III” (https://ec.europa.eu/transparency/regdoc/rep/1/2016/FR/COM-2016-270-F1-FR-MAIN-PART-1.PDF).

[2Ces quatre États - qui ne représentent que 13% de la population de l’UE ne peuvent pas juridiquement s’opposer à une décision majoritaire du Conseil (voir art. 16 § 4 TUE et art. 238 § 3 TFUE) - mais leurs menaces de ne pas reconnaitre et appliquer les décisions qu’ils contestent suffisent souvent à paralyser la volonté de la majorité des autres Etats.

[3Vu notamment les limitations imposées par le Traité à l’activation de la procédure de coopération renforcée (cf. clause du "dernier ressort”.

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