Affirmer l’effectivité du droit international face aux violations des droits de l’homme dans les conflits actuels

, par René Wadlow

Le Comité spécial pour la Syrie créé par le Conseil des Droits de l’Homme de Nations Unies a présenté son rapport le 2 mars dernier à Genève. Le comité est présidé par Paulo Pinhero, une personnalité respectée de l’ONU. Le rapport souligne les violations systématiques des droits de l’homme lors de la bataille d’Alep, les bombardements délibérés de cibles civiles, les attaques d’hôpitaux, les exécutions sommaires de prisonniers de guerre, l’utilisation de bombes à fragmentation et de gaz chlorine, tous deux interdits par les traités internationaux. L’étendue de ces violations est telle qu’elles doivent être considérées comme intentionnelles et non comme des dommages collatéraux. Elles montrent que les lois de la guerre les mieux établies destinées à protéger les populations sont de moins en moins respectées, faute de susciter des réactions suffisamment vigoureuses des grandes puissances

Les conflits en cours en Afghanistan, au Yémen, en Iraq, en Lybie, en Somalie et ailleurs sont marqués par des violations des droits de l’homme semblables à celles observées en Syrie, accompagnées de la capture et l’assassinat d’otages, de l’utilisation de boucliers humains, de l’usage d’armes bannies par les traités.

Il y a donc un besoin pressant d’initiatives nouvelles pour répondre aux défis de notre époque. Les Citoyens du Monde plaident pour la convocation d’une conférence de l’ONU qui réaffirmerait l’effectivité du droit international humanitaire, y compris pour les belligérants non étatiques. Ces derniers, comme l’EI ou les talibans qui s’impliquent désormais de plus en plus dans les conflits armés sont restés largement ignorés des lois internationales qui furent rédigées à l’intention des gouvernements. D’où le besoin d’une conférence internationale qui insisterait sur l’application du droit humanitaire aux organisations non-étatiques autant qu’aux États [1].

Cette conférence permettrait de mettre en cohérence les quatre axes principaux du droit humanitaire [2] :

  • La Convention de Genève (concernant la Croix-Rouge, etc.)
  • La Convention de La Haye concernant les armes prohibées (y compris les mines terrestres et les bombes à fragmentation qui ont fait l’objet de traités récents)
  • Les principes et les conventions portant sur les droits de l’homme, valables en tout temps mais qui sont particulièrement violés à l’occasion des guerres
  • La protection des sites et monuments désignés comme “patrimoine de l’humanité” par l’UNESCO (sans oublier les mausolées chiites détruits au Nord-Mali) [3].

Une campagne destinée à renforcer la conscience des populations à l’égard des règles des droits de l’homme et de leur motivation est un complément indispensable de la réaffirmation officielle de ces droits. Cette campagne peut passer par l’introduction des considérations propres aux droits de l’homme dans les manuels d’enseignement ou grâce à des guides spécifiques [4]. Je peux citer ma propre expérience pendant la guerre du Biafra. Je faisais alors partie du groupe de travail créé par le Comité international de la Croix Rouge afin d’apporter une réponse à la situation particulière de ce conflit qui, pour la première fois en Afrique, n’impliquait aucune puissance coloniale. L’interruption des approvisionnements en denrées alimentaires et la famine qui en résulta étaient au premier rang de nos préoccupations [5].

Le groupe de travail a conclu qu’il était urgent de faire mieux connaître en Afrique les termes de la Convention de Genève et de rédiger à cette fin des ouvrages d’enseignement spécifiquement destinés aux Africains. Alors professeur et directeur de recherches à l’Institut supérieur d’études du développement, à Genève, j’ai participé, avec le professeur Jiri Toman, directeur de l’Institut Henri Dunant, à l’élaboration d’un tel manuel. C’est des ouvrages de ce genre, attentifs aux spécificités culturelles, qu’il convient de préparer aujourd’hui.

La conférence souhaitée par les Citoyens du Monde intéresserait toutes les ONG actives en direction des réfugiés et en matière de secours, de droits de l’homme, de règlement des conflits. Certaines d’entre elles ont déjà attiré l’attention sur les violations des droits de l’homme et le besoin d’une action internationale. Il est à souhaiter qu’un gouvernement (ou plusieurs) prenne(nt) une initiative forte en faveur d’une telle action, afin que le droit international humanitaire redevienne le fondement de la protection et de la dignité de chaque personne.

P.-S.

Rene Wadlow
Président de la World Citizens Association, ONG avec statut consultatif auprès de l’ECOSOC, organe de l’ONU chargé de promouvoir la coopération internationale en matière économique et sociale - Ardèche

Traduit de l’anglais par Michel Herland - Martinique

Notes

[1Andrew Chaplan, Human Rights Obligations of Non-State Actors, éd. Oxford University Press, Oxford, 2006.

[2Sydney D. Bailey, Prohibitions and Restraints in War, éd. Oxford Universitary Press, Oxford, 1972.

[3Rene Wadlow, « Guilty Plea in Cultural Destruction Case », in, Peace Magazine, Canada, octobre-décembre 2016.

[4Jacques Freymond, Guerres, Révolutions, Croix-Rouge, éd, Institut de hautes Études Inetrnationales, Genève, 1976, et, Thierry Hentsch, Face au blocus. La Croix Rouge internationale dans le Nigéria en guerre, éd, Institut de hautes Études Inetrnationales, Genève, 1973.

[5Paul Bonard, Les Modes d’action des Acteurs Humanitaires. Critères d’une Complémentarité Opérationnelle, éd. CICR, Genève, n. d.

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