Le « billet d’humeur » d’Alain Réguillon

Le Conseil européen joue contre les Européens

, par Alain Réguillon

Réunion informelle des chefs d’État et de gouvernement en 1974, les « Sommets » trouvent une première légitimité institutionnelle avec l’Acte unique de 1986 et une pleine reconnaissance comme institution avec le Traité de Lisbonne de 2007.

Résultat :

  • une Europe de plus en plus intergouvernementale,
  • un conseil de l’Union aux ordres,
  • une Commission plus exécutante que force de proposition, et
  • un Parlement paralysé de plus en plus « croupion » !

Conséquences :

  • une Europe de moins en moins solidaire ;
  • une concurrence dite libre et non faussée de plus en plus sauvage ;
  • des politiques sociale et de santé injustement sacrifiées sur l’autel de la rigueur et du profit ;
  • une liberté budgétaire des États sous contrôle ;
  • un égoïsme et un repli sur soi exacerbés.

De cela, l’Union européenne (UE) sort fragilisée et incapable de peser dans le concert mondial. Et pourtant, c’est bien à ce niveau que se joue l’avenir des sociétés humaines, donc des Européens.

Le nier est une absurdité, voire une faute politique majeure. Quel État membre de l’Union peut-il, aujourd’hui, prétendre obtenir le moindre rôle dans les affaires du monde, là où se joue sa sécurité et son avenir ? Aucun ! Chaque État pris séparément est un nain politique doublé d’un nain économique. L’Union seule pèse sur le plan économique. Encore faut-il qu’elle cesse de signer des accords commerciaux internationaux sans avoir finalisé son marché intérieur et s’être dotée d’une politique économique et commerciale commune.

Il en est de même dans les domaines de la diplomatie et de la défense. De quel poids pèsent la France, l’Italie, l’Allemagne ou la Grande-Bretagne, pour ne citer que les plus grands États ? Quel poids pèse l’Union en ces domaines ? Aucun ! Le maintien de ces politiques au niveau national ne nous confère aucune légitimité, ne nous donne aucun moyen d’intervenir efficacement dans les conflits, y compris au plus près de chez nous, en Afrique ou au Proche et Moyen-Orient. Les discours de nos dirigeants sont au mieux reçus avec politesse, au pire, avec ironie.

Et que dire de l’absence de politique migratoire ? Les Européens ne veulent pas voir, pas agir, pas prendre leurs responsabilités. Chaque État pose ses propres règles. Tous refusent la main tendue à des êtres en détresse par peur de la montée des extrémismes. La frilosité dont nos responsables politiques font preuve a-t-elle conduit, ces dernières années, à une baisse du vote populiste ? Non, même pas !
Non car ce vote n’est pas lié seulement à l’immigration. Il est lié à la crainte d’une fragilité sociale, d’une solidarité insuffisante avec les populations et donc la crainte que le peu que l’on donnerait à d’autres ne vienne à manquer aux Européens les plus déshérités.

Redonnons confiance à nos concitoyens par une politique sociale solidaire, par un droit universel à la santé et par un pouvoir d’achat décent. A partir de là, l’arrivée de migrants ne sera plus considérée comme une agression que certains malfaisants exploitent à outrance.

L’UE est fragile car les responsables politiques ne sont pas à la hauteur des enjeux ! L’UE vacille car les peuples ne se retrouvent plus dans cette œuvre sans pareil qui devait-être un rêve et qui devient un trouble : à quand un cauchemar ?

La dictature des règles et des normes l’emporte sur le bon sens et la démocratie. La seule institution pleinement démocratique qu’est le Parlement européen n’a pas le tonus qu’il faudrait pour inverser la tendance de cette Europe intergouvernementale que dirigent les chefs d’État et de gouvernements, lesquels ont été élus pour défendre les intérêts de leur pays, non ceux de l’Union. Il ne faut rien attendre de cette instance qui n’a pas sa place dans le dispositif institutionnel de l’Union : il faut supprimer le Conseil européen.

L’UE a besoin de clarté. Elle a besoin d’élan. Elle a besoin de replacer l’homme au centre de ses préoccupations.

Il est temps de sortir du tout économique. Le Brexit doit nous donner l’opportunité de revenir aux fondamentaux de la construction européenne qui veulent que le progrès profite à tous, en Europe et hors d’Europe.

À un an et demi des prochaines élections européennes qui marqueront aussi le quarantième anniversaire de l’ élection au suffrage universel direct du Parlement européen, l’Union doit retrouver ce nouvel élan. Les citoyens doivent s’impliquer. Ils doivent prendre leur destin en main et dire quelle Europe ils veulent.

Pour ma part, j’ai fait un choix : celui d’une Europe démocratique, intégrée et politique.

Au nom de ce choix, je rejette le Conseil européen, somme des égoïsmes nationaux et de l’Europe à minima !

P.-S.

Alain Réguillon, ancien Président de l’UEF France et Président de la Maison de l’Europe et des Européens de Lyon, membre du Bureau de Presse Fédéraliste - Lyon

Photo : Conseil européen 22.05.2013 - Union européenne.