Albert Schweitzer : Respect de la vie contre mort nucléaire

, par René Wadlow

Albert Schweitzer, dont nous avons célébré l’anniversaire de la naissance le 14 janvier, se préoccupait de la manière dont ces quatre idéaux de la civilisation peuvent s’articuler dans un tout harmonieux. À la fin de sa vie, quand j’ai fait sa connaissance au début des années 1960, il était surtout préoccupé de l’idéal de l’humanité comme un tout.

« La civilisation résulte de quatre idéaux : l’idéal de l’individu, l’idéal de l’organisation sociale et politique, l’idéal de l’organisation spirituelle et religieuse, l’idéal de l’humanité dans sa globalité. Sur la base de ces quatre idéaux, j’ai essayé de définir ce qu’est le progrès. »

Albert Schweitzer, « Philosophie de la civilisation »


Il s’était déclaré fermement opposé aux armes nucléaires, armes qu’il considérait comme contraires au respect de la vie, qui était le fondement de son éthique [1]. « L’Homme a du mal à reconnaître les démons qu’il crée. Laissez-moi vous donner une définition de l’éthique. Il est bon de préserver la vie. Il est mauvais de négliger et de détruire la vie. En ayant du respect pour la vie, nous entrons dans une relation spirituelle avec le monde. En ayant le respect de la vie, nous devenons membre de la famille humaine, profondément bon et vivant. »

Pour Schweitzer, notre sentiment d’unité de la famille humaine, et notre devoir envers les générations futures était menacé comme jamais durant les deux guerres mondiales, plus qu’il ne l’avait été avant. J’ai participé activement depuis le milieu des années 1950 aux campagnes pour l’interdiction des essais nucléaires dans l’atmosphère – une priorité des actions anti-nucléaires à l’époque. J’ai également travaillé avec le Citoyen du monde Norman Cousins qui avait visité Lambaréné et avait écrit un livre enthousiaste sur ses échanges avec Schweitzer. Donc j’étais bien avec Schweitzer dans son hôpital à Lambaréné [2] ; et nous avons eu des discussions très constructives. Je travaillais à l’époque pour le Ministère de l’Éducation et étais à l’École secondaire protestante qui, depuis l’hôpital, était un mile plus bas que la rivière Ogowe.

C’est Norman Cousins, actif dans les campagnes pour le désarmement aux États-Unis, qui pressa Schweitzer de se prononcer contre les armes nucléaires. Schweitzer avait obtenu le Prix Nobel de la Paix pour ses actions humanitaires en Afrique. Il entra donc plus que jamais en contact avec les gens œuvrant pour la paix. Cependant, il hésitait à prendre position sur des questions dont il n’était pas expert. Comme il le dit à Cousins : « toute ma vie, je me suis abstenu de me prononcer sur les affaires publiques. Des groupes de pressions viendraient me demander de faire des déclarations, on me demanderait de signer des pétitions ou la presse me demanderait mon avis sur certains sujets politiques. Et je me sentirais obligé de toujours dire non ». Toutefois, il poursuivit : « le monde a besoin d’un cadre juridique pour empêcher toute agression et prévenir les menaces contre la paix, mais le plus important est de commencer par un bout. Je pense qu’il faut commencer par le problème des essais nucléaires. Si une interdiction des essais nucléaires peut devenir effective, alors peut-être qu’il sera possible d’envisager des mesures plus importantes pour le maintien de la paix. »

L’appel de Schweitzer en 1958, « Paix ou guerre nucléaire », fut une contribution à la contestation montante contre les essais nucléaires et leurs retombées radioactives. Le 16 octobre 1963, le Traité d’interdiction des essais d’armes nucléaires dans l’atmosphère, dans l’espace et sous la mer (plus communément appelé Traité d’interdiction partielle des essais) entra en vigueur.

Aujourd’hui, nous avons encore besoin de ces mesures, et d’autres plus importantes, pour la paix et pour une affirmation constante du respect de la vie.