Le « billet d’humeur » d’Alain Réguillon

Rapprocher l’Europe du citoyen : la démocratie en question !

, par Alain Réguillon

Le phénomène des gilets jaunes, au-delà des revendications et d’actions condamnables de quelques-uns, doit nous interroger sur les limites de notre organisation démocratique. La coupure qui s’est établie au fil du temps entre élus et citoyens va de pair avec l’affaiblissement des corps intermédiaires que sont les partis politiques, les syndicats, les associations. Elle est liée aussi à un régime politique trop centralisé dont tout découle du Président de la République, monarque absolu.

Les citoyens ont leur part de responsabilité dans cette coupure, car leur regard, leur engagement pour la « chose publique » se sont délités au fil du temps, l’intérêt particulier l’ayant emporté sur l’intérêt général, ce que l’on pourrait appeler le vivre ensemble.

Les corps intermédiaires, particulièrement les partis et les syndicats, ont aussi leur part de responsabilité. Les premiers sont devenus des machines à gagner les élections, les seconds des cénacles pour le maintien des avantages acquis sans perspective sur l’évolution du monde. Tant que ces acteurs de la démocratie ne redeviendront pas des écoles de formation civique et sociale, ils ne joueront plus leur rôle de corps intermédiaires.

Certains groupes de gilets jaunes réclament des referenda d’initiative citoyenne. Le souhait de participer directement à la prise de décision va dans le sens d’une démocratie participative. Mais celle-ci est-elle bien un progrès ? Personnellement je ne le pense pas. Cela pourrait se concevoir sur quelques projets locaux très ciblés et encore ! La démocratie dite participative est une forme de populisme qui ne servira jamais l’intérêt général et confortera cet égoïsme, cet individualisme qui fait que l’on ne s’implique que dès lors que nos propres intérêts sont en jeu.

Toute l’organisation des sociétés humaines est basée sur la démocratie participative. C’est cette forme qu’il faut préserver, qu’il faut muscler, qu’il faut améliorer. Pour cela, il faut remplir trois conditions. La première, que les élus soient davantage sur le terrain, à l’écoute des citoyens. La deuxième, que les corps intermédiaires se réforment en profondeur pour de nouveau jouer leur rôle d’interface entre les pouvoirs et les citoyens. La troisième, que les citoyens s’impliquent et cessent de vouloir tout tout de suite ; le syndrome du supermarché doit disparaître de notre mode de vie !

Quel lien avec les élections européennes

Rapprocher l’Europe du citoyen est régulièrement affirmé par tous les gouvernants et les responsables politiques de tous les pays. Mais que fait-on vraiment, concrètement pour cela ? Comment mobiliser nos concitoyens à l’approche des élections européennes ? Nombre d’associations, dont les fédéralistes et les Maisons de l’Europe, font un bon travail d’information sur le terrain. Mais quel est leur poids ? Quel est l’impact de leurs actions ? Ils n’ont que peu de moyens !

Lorsque l’on interroge les citoyens, une majorité ne connaît pas les eurodéputés élus dans leur circonscription, pire, ils ne savent pas qu’il y aura des élections en mai 2019.

Certes, le travail d’un eurodéputé, s’il s’investit sérieusement au Parlement, ne lui permet pas d’être suffisamment sur le terrain ; il faudra que cette institution fasse évoluer son organisation du travail pour améliorer cette présence. Mais comment imaginer que des députés, élus au niveau national, puissent être représentatifs des territoires ? C’est donc une faute politique d’Emmanuel Macron que d’avoir rétabli des listes nationales alors que nous avions désormais des régions de taille suffisante pour que nos députés soient élus dans un tel espace. La proximité aurait été favorable à une meilleure identification de nos élus et à l’instauration d’un dialogue structuré sur le terrain.

L’Europe s’éloigne du terrain, donc des citoyens. Cela ne va pas dans le sens d’une demande de plus de démocratie. Il ne faut donc pas s’étonner de réactions telles que celle des gilets jaunes, ni de la montée des populismes qui se nourrissent d’une démocratie représentative inadaptée et trop élitiste.

Une organisation fédérale de l’Union européenne, comme de la France, serait la bonne réponse à la demande d’une démocratie plus proche du citoyen ; à quand un parti qui porte cette espérance ?

P.-S.

Alain Réguillon est le président de la Maison des Européens de Lyon, ancien président de l’UEF France, membre du Bureau de Presse Fédéraliste – Vienne